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ramené le cœur de bien des jeunes hommes vers des dévotions et des symboles d’art religieux. J’entends qu’il y en a peu de bons et que, sur ce point, nous sommes plus difficiles qu’autrefois. Cette pénurie n’apparaît pas dans le passé, à première vue, parce que les tableaux qualifiés «  de piété » dans les musées ou les sculptures, dans les cathédrales, sont innombrables. Mais si l’on y regarde de près, ce sont des répliques ou des variations, à l’infini, de quelques thèmes toujours les mêmes. Et ces thèmes, à mesure que s’écoulent les siècles, vont se raréfiant. Combien de générations d’artistes ont passé, depuis que furent figurés, pour la dernière fois, le Christ au pressoir ou le Christ aux Limbes ou la Pesée des Ames, ou tout simplement le Jugement dernier ! Une à une, les histoires de la Bible ont été abandonnées, les unes parce que leur sens mystique était trop profond, les autres, au contraire, parce qu’elles n’en contenaient point assez. Judith coupant la tête d’Holopherne, l’Enfant prodigue dilapidant, parmi de faciles conquêtes, les deniers paternels, ou les envoyés du peuple élu charriant les raisins monstrueux de Chanaan, ne sont point des sujets de haute édification. Ce sont des scènes de genre ou de tragédie, auxquelles on a donné des titres bibliques, — voilà tout. Aujourd’hui, les mêmes tableaux, au Salon, seraient intitulés Une vengeance au harem, Il faut que jeunesse se passe ou les Vendanges et n’en seraient ni plus ni moins salutaires aux âmes. Au lieu d’une « section d’art religieux,  » si l’on avait fait des expositions au XVe siècle, c’est une « section d’art profane » qu’on aurait mise à part, — et elle aurait été toute petite. Mais il ne s’ensuit pas que tout fût religieux dans les sujets prétendus tels autrefois, ni que rien ne le soit dans les sujets avoués profanes aujourd’hui.

En fait, les thèmes qui ont fourni, aux anciens, quelque matière à une forte expression esthétique, tout en émouvant profondément les âmes chrétiennes, sont très peu nombreux : la Nativité, la Sainte Famille, la Passion et quelques martyres, — et, par exception seulement, le Jugement dernier. Les seules figures surnaturelles qui aient jamais pu ravir les cœurs simples, sans mettre en déroute l’émotion esthétique, sont les anges, le seul phénomène miraculeux, les auréoles. Toute l’ingéniosité des plus grands artistes n’a pu accroître ce petit patrimoine de mysticité. Rien d’étonnant si nos contemporains y ajoutent peu de chose.

D’ailleurs, nous sommes devenus plus exigeants, là-dessus,