Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/599

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sensation, à son aspect, ne fassent qu’un. Les grands symboles de l’art religieux hindou, par exemple, laborieusement expliqués par les Orientalistes, ne nous émeuvent pas. En tout cas, ils sont impuissants à émouvoir la foule. Heureux s’ils ne la font pas rire !

Mais il reste des scènes purement humaines, par leur aspect, et qui pourraient être des scènes de genre : la Nativité, le Laissez venir à moi les petits enfants, le Sermon sur la montagne, par exemple, ou des scènes historiques : la Passion. Que faut-il, pour qu’elles deviennent divines et éveillent une émotion religieuse ? Qu’elles fassent paraître une expression surnaturelle dans les figures, tout simplement. Et cela n’est point interdit à l’art, même le plus « sincère. » Elles demandent seulement chez l’artiste une pénétration plus profonde. Les visions d’anges ou de vierges, les corps glorieux des ressuscités, les démons, les bêtes d’Ezéchiel ne sont pas du domaine de l’observation exacte, — mais les physionomies des visionnaires le sont. Les symboles qui traversent la pensée mystique : la Foi, l’Espérance et l’Amour divin ne sont que des entités invisibles, mais les traits des visages, chez les croyants, tendus, soulevés et transformés par ces sentiments intérieurs, s’accusent aux yeux de façon très définie et traduisible par l’Art. L’incendie d’une vitre ou d’un toit au loin, dans la campagne, suffit à témoigner qu’ils voient le soleil. Le reflet d’une sphère lumineuse roulant au fond d’un lac atteste la présence d’un nuage qui erre dans le ciel. Croit-on que le visage humain ne vaille pas une ardoise ou un peu d’eau, comme révélateur de l’infini ?

Il y en a, au Salon même, quelques exemples. M. Lucien Simon a montré, à côté des combattants guidés par le Christ, le soldat mort couronné par lui, dans le ciel, tandis qu’au-dessous, devant un autel, au moment du sacrifice de la messe, la famille en deuil pleure et prie. Entre les deux, le prêtre, haussant le calice de ses deux bras tendus, fait le geste d’unir la terre au ciel. La vision surnaturelle est sans accent, mais les physionomies vivantes reflètent des âmes. La douleur extatique de la jeune femme et l’inquiétude qu’elle éveille dans le regard de l’enfant, la douleur résignée des vieux, le vague effroi des tout petits, — voilà où palpite vraiment une émotion religieuse. Déjà, dans ses faces de Bretons à la procession, M. Lucien Simon avait révélé des aspects d’âmes. De même, cette année, M.