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appelle à Nicomédie le grammairien Flavius et le rhéteur Lactance ; qu’il protège l’école de droit de Beritus et cherche à y attirer comme étudiants même de jeunes Arabes. C’est ainsi également que Constance Chlore choisit d’abord pour magister memoriae le fameux rhéteur Eumène, puis le nomme professeur dans la célèbre école d’Augustodunum. C’est une doctrine officielle du nouveau régime, exposée par Eumène en des pages fort éloquentes, que les lettres sont la source sacrée de toutes les vertus et la meilleure préparation à toutes les carrières, même à celle des armes. Cette sollicitude pour la vie spirituelle s’explique aisément. Si déchu que fût l’Empire après tant de calamités et avec tant de barbares au pouvoir, il avait toujours besoin de cette grande culture qui l’avait créé, orné et fait vivre pendant deux siècles. Il est au contraire beaucoup plus difficile de comprendre pourquoi l’Empire a pu vivre si longuement, jusqu’en l’an 303, en paix avec le Christianisme, qui était sur tant de questions capitales contraire à l’esprit de la réforme de Dioclétien. Mais les chrétiens étaient à cette époque très nombreux dans toute l’administration et à la Cour ; et il semble même que l’impératrice et sa fille aient eu des rapports avec le nouveau culte. Dioclétien était trop sage et trop avisé pour ne pas comprendre combien une persécution eût été dangereuse pour l’unité et la paix de l’Empire, et il se refusa pendant plusieurs années à traiter les Chrétiens en ennemis. Néanmoins il y avait à la Cour un parti très fort, qui n’approuvait pas cette sage politique et dont Galère était le chef. Ce parti finit par prévaloir, à ce qu’il parait, en raison des difficultés que le Christianisme créait à l’autorité impériale, particulièrement dans l’armée et vis-à-vis de la discipline militaire. Il se trouvait encore, parmi les chrétiens, des fanatiques refusant de prêter le service militaire, comme ce Maximilien qui fut exécuté à Théveste le 12 mars 295. Toutefois, à mesure que la religion nouvelle se répandait, le nombre des chrétiens qui se résignaient à servir dans l’armée était de plus en plus grand.

Mais si la répugnance à la guerre diminuait, la difficulté qui restait insoluble était celle du culte des empereurs. Les chrétiens ne pouvaient pas reconnaître et adorer le Souverain-Dieu ; mais le culte du Souverain-Dieu était la base même de la discipline militaire. Sur ce point l’accord était impossible ; et le conflit devait éclater, un jour ou l’autre. En 302, un édit chassa de