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son rendez-vous d’amour retardé ; ce serait suffisant et l’on éviterait ainsi de « fâcheuses » surprises.


Quelle joie de pouvoir rassembler ses forces et ses soins sur un chef-d’œuvre ! Il n’en est pas de plus complet que l’École des Femmes qui fut le plus grand succès de Molière. On ne fera jamais trop en faveur de cette merveille dont Balzac, — me disait le vieux Verteuil, — ne manquait jamais une représentation, jouât-on la pièce à six heures du soir. Si cette pièce unique ameuta contre Molière la foule des rivaux, des mécontents, et jusques à Pierre Corneille, elle valut à son auteur la « pension royale des beaux esprits » et consacra sa grandeur « comique. » Retenons ce mot « comique » qui sonne, à cette date, à tous les échos. Le gazetier Loret note que le samedi 6 janvier 1663, au Louvre :


On joua l’École des Femmes
Qui fit rire leurs Majestés
Jusqu’à s’en tenir les côtés :
Pièce aucunement instructive
Et tout à fait récréative
Quant à moi, ce que j’en puis dire,
C’est que, pour extrêmement rire,
Faut voir avec attention
Cette représentation,
Qui peut, dans son genre comique,
Charmer les plus mélancoliques…


Tous les contemporains constatent le comique étincelant de cette œuvre que l’on prétend, aujourd’hui, devoir être interprétée en mélodrame. Quel attentat contre l’esprit français ! La lettre de de Visé, malgré ses critiques, est probante : « Si l’on court à tous les ouvrages comiques, c’est parce que l’on y trouve toujours quelque chose qui fait rire, et que ce qui est méchant et même hors de la vraisemblance est quelquefois ce qui divertit le plus. Les postures contribuent à la réussite de ces sortes de pièces, et elles doivent ordinairement tous leurs succès aux grimaces d’un acteur. Nous en avons un exemple dans l’École des Femmes, où les grimaces d’Arnolphe, le visage d’Alain et la judicieuse scène du notaire, ont fait rire bien des gens… etc. »