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Nul n’est plus désigné pour la diriger que ce puissant constructeur d’histoire. Il vient d’en faire la preuve en écrivant l’Introduction[1] à l’œuvre qui maintenant va s’édifier, — volume par volume, — devant le public. Tout uniment, ces quatre-vingts pages constituent une des plus admirables synthèses qui aient été faites de notre histoire. Et, tandis qu’elle paraissait, M. Hanotaux allait non plus écrire, mais faire de l’histoire en renouant sous les voûtes de Saint-Pierre de Rome une des plus anciennes traditions de notre Nation.

M. Gabriel Hanotaux, qui a connu plus d’une épreuve, est cependant un homme heureux. Il est heureux parce qu’il croit fermement tout ce qu’il croit, aime ardemment tout ce qu’il aime et s’intéresse jusqu’à la passion à tout ce qu’il entreprend. Telle disposition fait renaître la vie là où il porte ses investigations, condition primordiale du travail historique. Peu d’hommes, aussi bien, ont, à ce degré, réuni les conditions qui assurent à l’historien ce que, d’un beau mot, on appelle l’autorité.

Voici un jeune homme qui, né curieux, s’est élevé en ce terroir de l’Aisne, si fécond en souvenirs qu’on y coudoie en quelque sorte toute l’histoire de France. La ville du Sacre aperçue des falaises où Napoléon engagea sa dernière partie, le château de Coucy rempli des plus grandes ombres féodales, Laon où se fonda tumultueusement une célèbre commune, Noyon où, des Mérovingiens à Hugues Capet, tant de nos rois se firent introniser, Guise qui baptisa une des grandes familles de notre histoire, Vervins où Henri IV ferma cinquante ans de crise, Compiègne où Jeanne fut prise, Craonne où l’on heurte du pied les armes rouillées des grognards et des Marie-Louise, Soissons tout retentissant de quinze siècles d’histoire, de Clovis à Napoléon, quel livre ouvert aux yeux d’un enfant qui s’y veut instruire ! Il faut bien que ce sol soit inspirateur d’histoire puisqu’un Jules Michelet étant originaire du Laonnois, en une seule génération, un Ernest Lavisse, un Henry Houssaye sont issus de ce terroir.

Un Henri Martin aussi, et c’est précisément « l’oncle » dont

  1. Histoire de la Nation française. — Introduction générale, par G. Hanotaux. — Société de l’Histoire nationale ; Plon.