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provinces de la Gueldre hollandaise, de Drenthe et de Groningue. Cette préoccupation de donner au royaume néerlandais une compensation à la rétrocession des territoires incontestablement belges de la rive gauche de l’Escaut et du Limbourg semblait à bon droit d’autant plus étonnante que les Alliés n’avaient pas eu à se louer de la Hollande, au cours de la grande guerre et que l’excessive durée de celle-ci pouvait être attribuée, pour une part, au zèle avec lequel les Hollandais avaient ravitaillé l’Allemagne, en dépit de tous les « contingentements » possibles.

L’Entente ne pouvait non plus avoir oublié les véritables violations de neutralité résultant, d’abord, du libre passage donné dans les fleuves et canaux hollandais aux chalands qui apportaient d’Allemagne, sur les fronts des Flandres et de l’Artois, les sables et graviers indispensables à la consolidation des tranchées de nos ennemis ; ensuite de l’autorisation accordée, en octobre 1918, aux colonnes allemandes en retraite de traverser avec armes et bagages, — voitures de butin comprises, — justement cette « poche » du Limbourg dit hollandais dont j’ai parlé tout à l’heure.

Insistons-y, parce que c’est un point essentiel dans la question qui nous occupe : le fait de lier, en faveur de la Hollande, deux ordres d’idées aussi différents que les revendications belges contre les stipulations défiantes du traité de 1839 et la « compensation » territoriale empruntée à l’Allemagne pour indemniser les bénéficiaires de l’injustice commise, il y a 80 ans, ne peut s’expliquer que par le désir secret de rejeter la demande de nos Alliés.

C’était pourtant ainsi que le Conseil suprême, — au sein duquel, depuis le 8 mars, s’était produit un revirement qui reste inexpliqué, — envisageait désormais cette affaire. En effet, il écartait nettement du libellé du traité de paix les articles présentés par la Commission des frontières occidentales de l’Allemagne, comme je le disais plus haut, et la représentation belge ne se méprenait pas sur la signification de ce refus : « C’était, porte un document que j’ai sous les yeux, écarter virtuellement toute rétrocession de territoire hollandais à la Belgique. »

Sur ces entrefaites, le 9 mai, fut institué par le Conseil suprême un « Comité des ministres des Affaires étrangères » que l’on chargea d’entendre les ministres des Affaires étrangères de Hollande et de Belgique