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Les statisticiens se plaisaient à supputer les centaines de milliards auxquels s’élevait la fortune germanique. La Banque impériale publiait, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa fondation, en 1900, un volume dans lequel elle étalait complaisamment les chiffres qui attestaient ses progrès, les services rendus par elle au pays, notamment dans l’accomplissement de la réforme monétaire, l’organisation des virements sur toute la surface du territoire, la régularisation du taux de l’escompte. Les changes avec l’étranger, en particulier avec la France, l’Angleterre, l’Amérique du Nord, se tenaient aux environs du pair ; l’or circulait en Allemagne ; les Prussiens et autres ressortissants de l’Empire voyageaient beaucoup, remplissant de leur faste quelque peu tapageur les villes d’eaux et stations de plaisance.

Dans une étude publiée en 1913, sous le titre significatif : le Bien-être du peuple allemand (Deutschlands Volks Wohlstand), le docteur Karl Helfferich, ancien directeur de la Deutsche Bank, qui fut, au début de la guerre, ministre de l’Intérieur, puis ministre des Finances en 1917, et vice-chancelier de l’Empire, célébrait en termes dithyrambiques la puissance économique de son pays.

Etudiant les éléments de cette prospérité, l’auteur rappelait tout d’abord celui qui est à la base de tous les autres, la population. L’excédent des naissances sur les décès en Allemagne était, en 1913, de 13 pour mille ; la population, qui en 1870 ne dépassait guère celle de la France, s’était augmentée des deux tiers et dépassait, à la veille de la guerre, 66 millions d’habitants. Le progrès industriel avait été d’une intensité extraordinaire : de 1882 à 1907, la puissance des machines en chevaux-vapeur avait quadruplé, passant de 2 à près de 8 millions. Mais là n’est pas la seule source d’énergie qu’emploient les usines modernes. Les entreprises d’électricité et de transport de la force à longue distance se sont multipliées en Allemagne, ainsi que les moteurs à gaz, les moteurs à pétrole pour automobiles et aéroplanes. La construction des machines y était florissante. M. Helfferich énumérait avec complaisance toutes colles qui sortaient des fabriques indigènes : machines pour l’industrie minière, pour la métallurgie, pour les textiles, le papier, pour l’agriculture et les industries agricoles, telles que distilleries, brasseries, sucreries. Il montrait la part prise par son pays dans la théorie et l’emploi des engrais ; il rappelait la richesse que constituent ses gisements de potasse, dont 11 millions de tonnes extraites