Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV. — LES TRAITÉS DE BREST-LITOVSK ET DE BUCAREST

Pourquoi d’ailleurs chercher les preuves des desseins allemands dans la bibliothèque des écrits répandus par eux à profusion depuis nombre d’années ? Ne suffit-il pas d’évoquer le souvenir des traités de Brest-Litovsk et de Bucarest dictés à la Russie et à la Roumanie ? Lorsque les délégués roumains protestaient contre la dureté des clauses auxquelles le vainqueur passager les forçait de souscrire, celui-ci leur répondait : « Vous apprécierez la modération de l’Allemagne lorsque vous connaîtrez les conditions que les Empires centraux imposeront aux Puissances occidentales. »

Et cependant le premier des traités que nous venons de rappeler, celui de Brest-Litovsk, signé le 7 mars 1918, enlevait à la Russie la Pologne avec 11 millions, la Lithuanie avec 9 millions, la Livonie et l’Esthonie avec plus de 2 millions d’habitants ; il détachait de la mère-patrie l’Ukraine, la Finlande et la Géorgie, que l’Allemagne reconnaissait soi-disant comme républiques indépendantes, mais qu’elle soumettait à un véritable protectorat. En réalité, ces annexions plus ou moins déguisées plaçaient sous la domination allemande d’immenses territoires, peuplés de plus de 50 millions d’habitants.

Le traité de Bucarest, du 7 mai 1918, était plus perfide encore que celui de Brest-Litovsk. L’Allemagne affectait de ne réclamer aucun territoire ; mais elle commençait par attribuer à la Bulgarie 4 000 kilomètres carrés, et à l’Autriche la partie méridionale des Carpathes, de façon à rendre les frontières de la Roumanie indéfendables. Elle lui enlevait la Dobroudja, soumise dorénavant à un condominium dans lequel l’Allemagne avait la haute main : elle s’installait par-là dans le port de Constantza et s’assurait un débouché vers la Mer-Noire. La Hongrie, de son côté, entrait en possession des gisements pétrolières et des charbonnages de la région de Bacau. Plus au Sud, des redressements de frontières absorbaient les districts de Buzeu et de Prahova, où se trouvent des centres industriels importants ; dans la région de Turnu-Severin, l’Allemagne accaparait les gisements de cuivre de Baia de Amara. Enfin, l’article 12 du traité de Bucarest stipulait que nulle obligation d’aucune sorte ne résulterait ni pour les territoires enlevés, ni pour les