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enthousiasme nous devient suspect. Un cours sur le bouddhisme convient au Collège de France, et les Tumulii ne sont pas des bibelots de salon. Une place pour chaque chose, et chaque chose à sa place.

L’ennui ! C’est vrai que nous en avons tout à la fois l’horreur et le respect. Non certes que nous méritions ce reproche de légèreté que nous adressent depuis plus de cent cinquante ans ceux qui vont prendre le mot d’ordre en Allemagne. Toute notre histoire prouve la solidité de notre bon sens et le sérieux de notre caractère. Mais nous détestons la solennité parce qu’elle est une affectation et nous redoutons l’ennui parce qu’il est en contradiction avec la vie : le langage courant ne dit-il pas qu’on meurt d’ennui ? Nous allons d’instinct à ce qui est simple, naturel et vrai. Et nous fuyons comme la peste l’esprit de coterie et l’esprit de camaraderie, les réputations de petites chapelles et les hypocrisies intéressées, parce que nous sommes un peuple de franchise, de libre esprit et de belle humeur. C’est tout cela qui est au fond de nous-mêmes et tout cela que, réjouit le dialogue du Monde où l’on n’ennuie sous sa forme légère, dans le pétillement de sa gaieté.

Et les personnages ont pour nous un air si familier ! La duchesse de Réville, si jeune sous ses cheveux blancs, type de ces femmes d’autrefois qui avaient beaucoup vu, beaucoup appris et que l’âge avait rendues indulgentes, — connue beaucoup de femmes d’aujourd’hui ! Suzanne de Villiers, évaporée et ingénue, innocente sous ses dehors d’étourderie, vraie jeune fille de chez nous ! La petite sous-préfète que son espièglerie fournit si à propos de graves citations, et qui possède si bien ce don de la Française : l’art de s’adapter au milieu et de n’être nulle part déplacée ! Et les autres, les ridicules, le savant dont le père avait tant de talent, le jeune poète au crâne dénudé, le philosophe qui confesse les dames, les plus méchants d’entre eux ne le sont guère : rien ne nous empêche d’en rire et rien ne vient gâter notre plaisir.

La nouvelle distribution ne saurait sans doute être comparée à l’ancienne ; mais elle est des plus honorables. La pièce est jouée dans le mouvement et, comme il convient, enlevée avec brio. Le succès a été tout particulièrement pour Mlle Devoyod, qui, dans le rôle de la duchesse de Réville, a surtout souligné le côté hurluberlu, pour Mme Huguette Duflos, une sous-préfète très fine et pour Mlle Roseraie qui a dessiné avec beaucoup d’originalité la figure de Lucy Watson. M. Fenoux a composé avec tact et mesure le personnage de Bellac qu’il s’est justement abstenu de pousser à