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M. Jean Fabry, M. André Lefèvre, ministre de la Guerre, et plusieurs autres orateurs, tous animés des mêmes sentiments patriotiques. Avec sa haute autorité, le général de Castelnau a appelé l’attention de la Chambre sur la redoutable crise que traversent, faute d’une rétribution suffisante, les officiers et sous-officiers de carrière. Il a rappelé d’éloquentes paroles de Jaurès sur la constitution d’une armée nationale où doivent entrer toutes les forces du peuple et se confondre toutes les élites; il a insisté sur l’importance primordiale qu’a, pour la défense du pays, la formation de cadres de grande valeur intellectuelle et morale; il a discrètement indiqué qu’en abaissant, il y a quelques mois, la limite d’âge pour les colonels et les officiers généraux et en les faisant rentrer dans la vie civile dès soixante-deux, soixante et cinquante-neuf ans, on a encore rendu plus difficile, pour l’avenir, le recrutement des cadres, et il n’a pas caché qu’en un temps où l’on parle sans cesse de guerre scientifique, les armes dites savantes, artillerie et génie, se trouvent exposées à être de plus en plus délaissées. Le ministre de la Guerre a favorablement répondu à ces pressantes objurgations et, s’il n’a pas cru possible de proposer le relèvement de la solde fixe, il a, du moins, fait inscrire dans le budget de 1920 une somme de 86 millions qui permettra d’assurer aux différents échelons d’officiers et de sous-officiers une indemnité nouvelle. Nous sommes d’autant plus obligés de fortifier l’ossature de l’armée que nous devons nous préparer à réduire, le plus rapidement possible, la durée du service.

Ce serait un intolérable paradoxe qu’après une guerre victorieuse, le pays eût à supporter encore des charges comparables à celles qui pesaient sur lui avant ses quatre années d’épreuves. Mais il est trop évident, d’autre part, que nous ne pouvons pas désarmer les premiers. Le ministre, prenant courageusement ses responsabilités, a déclaré que, dans l’état actuel de l’Europe, il n’était pas en mesure d’accepter, dès aujourd’hui, le service d’un an. Avec une franchise qui a vivement frappé ses auditeurs, il a déclaré qu’en raison des besoins immédiats auxquels nous avons à pourvoir, sur le Rhin, au Maroc, en Algérie ou en Tunisie, en Syrie et en Cilicie, et en raison aussi des exigences de l’instruction, il croirait périlleux de ne pas conserver, pour le moment, un effectif de quatre cent trente-deux mille hommes, correspondant à quarante-six divisions d’infanterie et à deux classes. C’est un palier sur lequel il juge nécessaire que nous nous arrêtions, avant de descendre à dix-huit mois, puis à un an. Les Chambres ne refuseront certainement pas d’écouter,