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vingt-cinq volumes, fortement documentés, riches d’aperçus de toute sorte, magistralement composés et construits, voilà ce qui compose cette œuvre imposante d’historien. Je dis bien : d’historien. Car si l’on peut répartir en trois principaux groupes, — études religieuses, études sociales, études politiques, — ces vingt-huit ou trente volumes, et si toute une philosophie, très nette et parfaitement cohérente, s’en dégage, les substructions, la méthode, l’esprit même de cette œuvre sont rigoureusement d’un historien.

Quel que soit en effet le sujet auquel s’applique Georges Goyau, son premier soin, avant de le traiter, est d’utiliser et d’épuiser toute l’information positive qu’il comporte. Étude minutieuse et critique des faits, dépouillement méthodique des documents et des textes, recherche des sources, examen consciencieux des ouvrages antérieurs, enquêtes patiemment conduites sur place, interviews même, il n’est aucun des procédés d’investigation en usage et en honneur parmi les praticiens les plus déterminés de l’histoire « scientifique, » auquel il ne recoure pour découvrir l’exacte vérité sur les hommes, les événements, les institutions, les mouvements d’idées qu’il se propose de connaître et de faire connaître. De là tous les solides « dessous » de ses moindres pages, « dessous » qui se font discrètement sentir aux plus profanes, mais que seuls des spécialistes peuvent apprécier à leur juste valeur. Ceux-là savent qu’il est tel des articles de Georges Goyau qui leur résumera toute une bibliothèque et où ils trouveront non seulement une impeccable documentation livresque, mais encore ces mille renseignements épars et précieux que la vue des choses et le contact des personnes vivantes peuvent seuls fournir, et auxquels rien ne supplée. Les Allemands avouent qu’ils n’ont rien de comparable, — même de très loin, — à l’Allemagne religieuse.

L’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la Suisse, voilà les quatre pays qu’a particulièrement explorés Georges Goyau, et sur la mentalité desquels il nous a rapporté des informations de tout premier ordre. Non sans peine quelquefois, et non sans difficultés et aventures de toute sorte. Sous le ministère Crispi, ses allées et venues avaient fini par attirer l’attention de la police politique italienne. À Milan, il tombe malade, et dans l’hôtel où il s’est fait inscrire comme élève de l’École française de Rome, il fait venir un médecin italien. Celui-ci l’ausculte conscien-