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baïonnettes. Cet idéal, nous le renions purement et simplement ? » Et le même jour, avec plus de suavité encore, le ministre Hermann Müller parlait de cette aménité nouvelle que l’Allemagne allait introduire dans ses relations avec les nations étrangères. « Nous devons convaincre le monde de notre inébranlable volonté de paix… Mieux le monde saura que nous n’avons pas une démocratie sans démocrates et une république sans républicains, plus notre « change moral » s’élèvera au dehors… Enterrons à jamais toutes les méthodes de cette politique de violence qui appartient définitivement au passé. » Nous voilà donc rassurés. La politique allemande s’oriente décidément vers la paix. A lire ces manifestes et discours, comme tant d’autres assurances données par la presse, les revues et les livres, comment ne pas se déclarer satisfait ?…

Ce serait une faute. Seuls s’y laissent prendre les neutres et les naïfs, ceux qui se font une conception étriquée de la question, qui limitent trop étroitement, soit l’ancien pangermanisme, soit les conditions générales de cette grande lutte entre nations ou groupes de nations dont la guerre mondiale n’aura été que le prélude.

Car la tradition pangermaniste n’est pas affaire de parti. Elle n’est pas strictement limitée à l’extrême droite. Furent pangermanistes et impérialistes, à des degrés divers sans doute, tous les partis, successivement gagnés avant 1914 à la cause de la politique mondiale. Le pangermanisme n’est pas seulement une altitude ou un programme. Il a été, il est encore un esprit, une conviction, une religion. Son idée maîtresse, élaborée par les penseurs et progressivement inoculée a la masse de la nation, c’est que le peuple allemand est supérieur à tous les autres par son « idéalisme, » ce mot signifiant un idéal déterminé d’organisation sociale et de civilisation. Au nom de cet idéal, il s’attribue une mission dans le monde. C’est un universalisme sui generis qui veut étendre au monde entier la conception allemande de la vie.

Si l’on agrandit alors, par la pensée, le théâtre de la guerre, si l’on voit, au lendemain des hostilités proprement dites, commencer une lutte plus vaste, plus profonde encore, une rivalité non seulement économique, mais aussi sociale ; si l’on se dit que seules gagneront définitivement la guerre les nations qui résoudront le mieux la question des questions, la question