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d’Europe sous la direction de l’Allemagne. Le programme colonial voulait assurer la domination de l’Allemagne dans le monde contre la France, qu’on eût évincée du Maroc, et de l’Afrique du Nord ; contre la Russie, qu’on eût chassée des Balkans, de l’Asie-Mineure et de la Perse ; contre Belges et Portugais, qu’on eût dépouillés de leurs possessions en Afrique Centrale ; contre l’Angleterre partout, en Égypte, en Asie-Mineure, en Afrique, aux Indes et en Chine ; contre les Etats-Unis enfin, qu’il fallait combattre sur leur propre sol et en Amérique du Sud. Fuis aux théories sur la supériorité de la civilisation germanique, ces deux programmes constituaient le pangermanisme intégral, entreprise immense dirigée, au nom de la Kultur, contre les Latins en décadence, les Slaves dignes de mépris, les deux grands rivaux parents du germanisme ; l’Angleterre et les États-Unis.


LES SURVIVANCES DE L’’ESPRIT PANGERMANISTE

C’était une folie, la plus tragique qui se soit jamais emparée d’un peuple. Elle s’explique par une double ignorance et une double illusion. Etroitement enfermés dans les limites de leur naïf et orgueilleux nationalisme à prétentions universalistes, les Allemands ne comprenaient pas qu’ils ne pourraient jamais remplir un tel programme. En même temps, ils ignoraient les autres peuples et ne prévoyaient pas que pareille tentative soulèverait contre eux, non seulement le monde latin et le monde slave, mais encore toute la civilisation anglo-saxonne. Folie psychologique. Exalter cet idéal d’organisation, qui est le fond du germanisme et dont nul ne contestait la puissance, c’était encore légitime. La folie, c’était de n’en pas reconnaître les limites et les dangers pour la civilisation, de prétendre imposer à des peuples étrangers, formés par une autre tradition, les conceptions maîtresses du germanisme.

S’il y avait donc une « révolution » en Allemagne, ce devrait être une révolution avant tout psychologique, un changement de mentalité, de cœur et de conscience. Elle aboutirait, chez tout Allemand, à un mea culpa qui reconnaîtrait sincèrement l’erreur primordiale.

En fait, quelques Allemands ont compris. Il serait injuste de ne pas le dire. Dans la Gazette de Francfort du 30 mars 1919,