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particulier cette Autriche allemande qui veut, non un Habsbourg, mais un Hohenzollern. Il y a adaptation aux circonstances présentes. Mais l’esprit n’a en rien changé.

Qu’on en juge seulement ! Le 3 juin, dans le Tag ronge, le secrétaire de ladite Ligue, le baron von Vietinghoff-Scheel, écrivait ceci : « L’idéal pangermaniste ne s’est pas le moins du monde écroulé le 9 novembre 1918. Bien au contraire. Les événements et les conséquences de ce terrible jour n’en ont que trop démontré la solidité. La Ligue pangermaniste voit ses idées devenir, l’une après l’autre, de vivantes réalités. C’est pourquoi elle conserve, en ces jours de crise effroyable, la conscience pure et la tête haute. Son avenir est plus riche que jamais. » Paroles singulières, si l’on pense au programme qui était, à la veille de la guerre, celui de la Ligue.

Ne pensez pas que le baron de Vietinghoff-Scheel se moque de nous. Il procède à une démonstration détaillée de sa thèse. Il estime que les événements ont justifié toutes les affirmations de la Ligue : politique d’encerclement préparée par l’Angleterre, la Russie et la France ; nécessité d’armements plus étendus, d’une mobilisation plus complète, d’une flotte puissante et d’un État-major économique bien outillé ; guerre défensive faite par l’Allemagne à seule fin d’obtenir des « garanties » suffisantes pour l’avenir ; devoir de résister encore en novembre 1918 et de ne pas accepter les conditions d’armistice.

Sur de tels sentiments nous étions d’ailleurs déjà fixés au lendemain de la révolution de novembre. L’humiliation qu’éprouvaient les pangermanistes à voir leur pays abandonner la Terre d’empire, laisser à l’ennemi toute la rive gauche du Rhin et accepter à l’Est une situation lamentable ne les amenait pas à résipiscence. Dès le mois de décembre, ils entreprenaient une campagne en faveur des souverains déchus. Ils faisaient en même temps l’opposition la plus violente au nouveau régime. Il s’agissait de le tuer moralement, de montrer que la défaite a été provoquée, non par les visées ambitieuses du pangermanisme, non par l’impéritie des chefs militaires ou politiques, mais par les idées démocratiques, socialistes et révolutionnaires qui ont sapé à leur base la volonté de vaincre, l’endurance, l’héroïsme, bref, toutes les vertus guerrières du peuple allemand. On traitera Kurt Eisner, au lendemain même de sa mort tragique, de « dilettante. » De bonne heure, on