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terrible que celle qui a suivi la guerre d’indépendance ? Mais l’ancien esprit pangermaniste ne se manifeste pas seulement par cette réaction. Il apparaît sous d’autres formes plus subtiles et difficiles à saisir.

Cet esprit, c’est la croyance à la mission providentielle et universelle de l’Allemagne, dans quelque domaine que ce soit. Or de nouvelles perspectives s’ouvrent à cette religion de la supériorité germanique. L’Allemagne est devenue, en apparence du moins, une démocratie républicaine. Elle est un ardent foyer de socialisme. Voilà, semble-t-il, les forces maîtresses de l’heure et du monde. Ne serait-il pas possible d’affirmer, au lendemain d’une guerre qui a mis au premier plan les problèmes de la liberté et du travail, que l’Allemagne doit avoir, comme démocratie sociale, un rôle directeur universel ? Ne pourrait-on ajouter à la mission métaphysique, à la mission religieuse et à la mission civilisatrice, la mission politique et sociale ?

C’est exactement le thème d’une série d’articles que M. J. Unold, un professeur encore, écrivait naguère dans le Tag rouge, sous le titre : « Des deutschen Volkes kulturpolitischer Beruf. » « Le peuple allemand, dit M. Unold, ne se relèvera que s’il prend conscience de la mission qu’il doit accomplir pour le progrès de la civilisation universelle. » Le professeur ne manque pas d’invoquer Fichte et ses discours à la nation allemande. Fichte n’a-t-il pas démontré, pour toujours, que l’humanité ne peut se passer de l’Allemagne et ne peut construire qu’avec son aide les « réalités éternelles ! » C’est par une conquête morale que le peuple allemand retrouvera ses biens perdus, l’estime des contemporains et la gratitude de la postérité. Il va donc se mettre au travail, pour l’humanité, dans le domaine religieux et moral, dans le domaine politique, enfin dans le domaine économique et social. Nous y voilà bien ! La mission politique et sociale s’ajoute aux missions d’autrefois. — Au point de vue religieux et moral, le peuple allemand achèvera l’œuvre commencée par la Renaissance et la Réforme ; il réalisera le véritable individualisme religieux et l’autonomie de la morale. Il lui suffira de se remettre à l’école de Schleiermacher et de Kant. Quel peuple pourrait ici se mesurer avec le peuple allemand ? — Mêmes visées dans l’ordre politique. Mais il faut ici former le « jugement mondial, » empêcher le bon public de