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catholique romain, M. d’Indy le fut avec puissance, avec plénitude, en ces pages magnifiques, auxquelles servait de base, ou de fond, le thème du Pange lingua. Les pages religieuses, voire liturgiques, de Saint-Christophe, les meilleures pourtant, sont loin de celles-là. C’est à peine si la passagère intonation d’un O crux ave ! première touche de la grâce sur l’âme d’Auférus, nous a nous-même touché. Quelques passages de la scène avec l’ermite ne manquent pas non plus d’onction et de componction. Mais quel émoi, quel éclat pathétique aurait dû provoquer le « portement » et la reconnaissance de l’Enfant-Jésus ! Pendant l’interminable duo de la prison, nous en évoquions un autre, que traverse, ou plutôt couronne un cri d’amour, d’amour divin. Il se trouve dans un opéra, médiocre et manqué par ailleurs, le Polyeucte de Gounod… Mais n’allons pas plus avant : certains n’auraient qu’à sourire du pieux et tendre maître et du disciple fidèle qui ne craint pas et ne craindra jamais de le nommer de ce nom.

Après le Pange lingua de Fervaal et d’après le style dans lequel M. d’Indy l’avait « traité, » nous espérions beaucoup des chœurs mystiques de Saint-Christophe. Ils nous ont déconcerté, sinon rebuté par l’excès de la recherche et de la division, par l’apparence au moins d’un embarras inextricable, par je ne sais quelle dissociation, poussée à l’infini, de la matière ou de la substance sonore. Les choristes, qui les ont chantés faux, imperturbablement, ne sont peut-être pas les seuls coupables. À l’impossible, un choriste même, surtout plusieurs choristes, ne sauraient être tenus. Auprès de telles combinaisons, la polyphonie vocale du XVIe siècle, que M. d’Indy connaît si bien, qu’il admire et qu’il aime, n’est que jeux de petits enfants.

Maître, et maître d’école aussi, d’une école non moins digne que lui de considération, les élèves de M. d’Indy, sans compter ses amis et ses admirateurs, le tiennent pour le maître ou le chef de l’école française elle-même. En quoi l’on peut estimer que d’abord ils exagèrent et qu’ensuite ils se trompent. Le « nationalisme » ne nous apparut jamais comme le signe éminent d’un art qui n’a pas nos qualités, et dont les défauts, ou les excès, ne sont pas nôtres. Nous en voyons moins bien chez nous les origines, que nous n’en craignons pour nous les suites. « Encore une fois, » écrivait Jules Lemaître, il y a déjà longtemps, « encore une fois les Saxons et les Germains, les Gètes et les Thraces et les peuples de la neigeuse Thulé ont fait la conquête de la Gaule. » Faut-il donc, après Saint-Christophe comme jadis après Fervaal, exprimer les mêmes regrets,