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quelque temps, mais je garde toujours la chambre, et de cet assaut, assez mal soutenu, il m’est resté jusqu’à présent une lassitude dont les effets ressemblent beaucoup à ceux de la paresse ! Quand reprendrai-je le dessus ? C’est ce que je me demande avec un peu d’anxiété, et, en attendant que je réponde, la besogne s’accumule, dont je ne sais comment je me tirerai quand j’en aurai recouvré les moyens.

Pour m’y préparer, j’ai dû commencer par renoncer momentanément au voyage de Rome, et quelque désir que j’eusse de présenter mes très humbles hommages au Souverain Pontife, voici que je ne sais plus quand je pourrai m’en donner la joie. Si quelque favorable occasion s’en présente, oserai-je prier Votre Eminence de vouloir bien se faire auprès du Saint-Père l’interprète des regrets d’un humble fidèle ? Hélas ! c’est pourtant maintenant qu’il faudrait être à Rome.

Je n’ai point de nouvelles bien intéressantes à donner à Votre Eminence. On regrette ici que le général André’ n’ait point entraîné ses collègues dans sa chute, et on attend la comparution en cour d’assises de Syveton. Ils ont voté le budget des Cultes à une plus forte majorité que jamais, et on se demande ce que signifie ce vote. Mais ce qu’il y a de plus sûr, c’est qu’on ne s’attend à rien de bien heureux, et sous des apparences de paix, on se rend compte de plus en plus nettement que nous vivons en état permanent de crise révolutionnaire. Crise et Révolution ! nos gouvernants ont en quelque sorte consolidé ce que ces mots dans notre vieille langue exprimaient de « transitoire » et d’essentiellement « momentané. »

On donnait hier de mauvaises nouvelles du cardinal archevêque de Paris, mais elles sont aujourd’hui bien meilleures, et je crois que si quelqu’un peut vous renseigner sur l’état de sa santé, c’est Mgr Touchet, que j’aurais été si heureux de pouvoir accompagner dans son voyage ad Limina.

Votre Eminence me pardonnera de ne pas allonger cette lettre ; j’en ai encore aujourd’hui une douzaine à écrire. J’ai voulu commencer par celle-ci, afin que Votre Eminence ne s’inquiétât pas plus qu’il ne faut de ma santé, et afin aussi qu’elle ne m’accusât pas de négligence. Et je termine en la priant de vouloir bien agréer, avec tous mes remerciements de sa bienveillante sollicitude, dont je lui suis profondément reconnaissant, l’humble hommage des sentiments de profond respect et