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frontière. La répugnante fouille des bagages et des personnes, le visa policier des passe-ports. Depuis le grand cauchemar, celle régression nous est redevenue familière. À cette époque on se sentait retomber dans la barbarie, sortir de l’Europe à laquelle nous voulions croire.

La joie de la retrouver à Varsovie, dans toute sa grâce, dans tout son raffinement.

Au sortir de cette accablante atmosphère de Germanie, quelle douceur dans cette société, la plus parisienne qu’il y ait dans le monde, hors de Paris ! Notre langue, notre littérature, elle y goûte non un appoint étranger, une distraction de bon ton, mais une tradition qui lui appartient. Elles lui sont une fierté personnelle, un patriotisme second, une manière de revanche. Pour l’amour du parler français, un instant, les griefs enracinés s’oublient, les barrières tombent. Les places d’honneur sont occupées par M. Dmowski, président du Groupe polonais à la première Douma, et par le général Scalon, gouverneur russe de Varsovie, à la réunion où, sans plaider, simplement, je traite ce sujet : La France dans le monde, autrefois et aujourd’hui, et laisse mon auditoire juge de quelques faits qui, peut-être, vont à l’encontre de ce que tout bas, ou même pas très bas, un peu partout, on chuchote sur notre décadence.

En petit comité, fiévreusement, on assaille le Français qui vient de Paris et sera demain à Pétersbourg. C’est l’intérêt de son pays, avant tout, qu’on invoque. Non seulement des promesses ont été faites à la Pologne en 1905 qui n’ont pas été tenues. Non seulement continuent de s’étaler l’incurie administrative et la corruption, mais voici que s’apprête, par le détachement de la région de Chelm, un nouveau démembrement, un nouvel affront à la dignité historique de la Pologne. Que la France n’intervienne pas dans les allaires intérieures de la Russie, soit. Mais peut-elle tolérer sans mot dire que son alliée, par ses maladresses, fasse directement contre elle le jeu de l’Autriche et de l’Allemagne ? « Faites comprendre cela à Pétersbourg. »

Tout cela est par trop évident. Il est évident aussi que le sujet est difficile à aborder. Mais le danger est trop grand pour nous taire indéfiniment. A plusieurs reprises, le tsar lui-même a manifesté des intentions bienveillantes pour la Pologne. C’est