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tribunal était nécessaire : le Souverain Pontife devait intervenir, non plus comme chef de justice, mais comme chef de l’Eglise.

De même que le roi Charles VII, après avoir abandonné Jeanne d’Arc, n’avait pu l’oublier et avait été poussé, par une force invincible, à revenir vers elle pour réclamer la réhabilitation publique ; car la question se posait pour lui, et non pour elle, à savoir si, en sauvant la royauté française, elle avait été l’instrument de Dieu ou l’instrument du démon ; — de même l’humanité était poussée invinciblement à plaider la cause de sainteté devant l’autorité qui juge des questions sacrées ; car il s’agissait de savoir, non plus seulement si Jeanne d’Arc était humainement innocente, mais si sa mission était dans les voies de Dieu ou non. Instance singulièrement élargie et qui ne pouvait se conclure que par un nouveau verdict.

Plus haut encore : l’humanité tout entière était intéressée à cette cause ; car, à la façon dont l’apparition de Jeanne avait agi sur les affaires générales du monde, il importait non moins extraordinairement qu’elle fût mise, s’il y avait lieu, à sa vraie place, c’est-à-dire au plus près possible de l’Idéal, de l’Infini, de l’Eternel, au plus près de Dieu.

Voilà le fond du procès et du débat auquel nous avons assisté. C’est ici le véritable drame ; et nous avons bien senti, quand nous en fûmes les spectateurs, toute sa gravité. Nous nous approchions du plus difficile et du plus émouvant de tous les problèmes, — celui de la responsabilité dans la mort. Nous sentions, autour de nous, le public immense des élus venant au-devant des vivants et les interrogeant sur celle qui, à son tour, venait vers eux. Les liens qui nous unissent avec ces gens de l’au-delà pesaient sur nous. Nous étions en présence du dogme qui réunit en une seule famille les morts et les vivants, et qui est la conception la plus large peut-être de l’Eglise, — dans ce sens vraiment universelle, — la Communion des Saints.


II

La cérémonie dura six heures : magnifique schéma de l’enquête qui durait depuis cinq cents ans.

Toute l’Histoire était convoquée là. Bramante, Michel-Ange, Raphaël, ont élevé la basilique où de tels événements s’accomplissent ; Bernin a sculpté l’autel ; la plus noble des