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rappelés et enregistrés. Ils sont présents, dans la cérémonie elle-même et dans le moindre de ses détails. Les costumes évoquent toutes les phases de l’histoire du monde depuis l’Empire romain. Voici les assistants de Justinien, voici les catéchumènes des catacombes, voici les combattants des luttes atroces du moyen âge, voici les victimes du connétable de Bourbon, voici, parmi les assistants ou les camériers, des gentilshommes du XVIIIe siècle dans leur uniforme qu’on dirait dessiné par Guardi.

Un détail d’une haute portée révèle cette volonté constante d’affirmer l’unité et la catholicité du monde dans une de ces circonstances exceptionnelles où il comparaît, en quelque sorte, devant Dieu. Après la lecture de l’Evangile en latin, un diacre grec s’avance vers le Pape accompagné du sous-diacre de son rite, il sollicite l’autorisation de lire l’Evangile en grec. Autorisé, il annonce la lecture par ce mot prononcé à haute voix : Sophia (la sagesse). Le Pape se découvre et le Diacre lit la parole sacrée dans la langue d’Homère. A la fin, le chœur chante Doxa soi, Kyrie, doxa soi. (Gloire à vous, Seigneur, gloire à vous ! ) On voit, dans cette intervention publique du rite grec, » un vestige de la liturgie romaine primitive. Mais cette survivance extraordinaire peut répondre aussi à une autre pensée. La séparation entre les deux Eglises n’a jamais été acceptée comme définitive par l’Eglise romaine. Un jour ou l’autre, l’union se refera. Patiens quia æterna. Et, c’est comme une pierre d’attente maintenue et apparaissant à chaque occasion exceptionnelle pour bien marquer que la foi en un idéal identique, le Christ, domine les dissentiments et les rivalités de forme et de discipline, que ce qui l’emportera sur tout, ce sera, finalement, une bonne volonté réciproque conforme à la parole de Celui qui a voulu la paix.

Et combien ce symbolisme, cet appel persistant à l’unité est plus éloquent encore dans les circonstances actuelles, à l’heure où, par le fait d’une guerre sans précédent, l’Europe, remuée dans ses fondements, assiste à la ruine du grand empire orthodoxe.

Car c’est à ces considérations historiques qu’il faut en venir maintenant. Le drame ecclésiastique s’est terminé. L’humanité a témoigné sa joie : 1° parce que les vertus souveraines sont récompensées ; 2° parce que la justice est satisfaite ; 3° parce que l’exemple est répandu. L’office s’est terminé par le Pax Domini qu’a chanté le cardinal-prêtre ; le Pape, accompagné du cortège,