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grande basilique chrétienne que l’on connaisse, Thuhursicum, Djemila ou Sbeïfla, le type du municipe africain. El Djem se visiterait pour son amphithéâtre, plus complet que le Colisée romain, Thrigga pour son théâtre et son temple de Jupiter, ou sa colonnade en hémicycle, Sousse pour ses catacombes, Carthage pour ses églises dédiées à d’illustres martyrs, pour la grandeur de ses souvenirs et de son paysage. Ainsi l’attention du voyageur ne risquerait pas de s’éparpiller et de se lasser sur un trop grand nombre d’objets ou de se rebuter devant des spectacles trop souvent pareils.

Mais cela n’empêcherait pas les archéologues de pousser leurs investigations dans tous les sens, partout où fut un mausolée, un abreuvoir, une citerne antique. Ne fût-ce que par piété envers les initiateurs de notre civilisation, nous nous devons d’entourer de vénération les traces les plus humbles de leur labeur ou de leur passage. J’ouvre le Guide Joanne et j’y vois que, dans le Sud constantinois, dans la région des chotts, à la limite des dunes sahariennes, se trouve une petite oasis de douze mille palmiers qui s’appelle Négrine, et que, dans le voisinage de Négrine, se rencontrent les ruines d’un poste militaire romain construit sous Trajan : Ad majores. Il subsiste, parait-il, quelques pans de murs de l’enceinte et les vestiges de deux portes triomphales. Pourquoi n’essuierait-ou pas de dégager ces ruines et, si possible, de les réparer ? Les murailles et les portes triomphales de Trajan, en un pareil lieu, à deux pas du désert, doivent nous émouvoir plus que tout. Je donnerais, pour les voir relever, tous les marabouts et tous les palmiers de Négrine et de ses environs.

Pour faire aboutir cette œuvre de restauration et de résurrection, il faudrait qu’un plan méthodique des fouilles à entreprendre fût dressé par un homme compétent. Et pour assurer l’application de ce programme, en étudier les conditions, en résoudre les difficultés, toute une administration nouvelle serait à organiser. Cela nécessiterait un budget considérable, alimenté par l’Etat, les contributions des provinces africaines, les dons volontaires, les droits perçus à l’entrée des ruines. A côté des spécialistes chargés de conduire les fouilles, des archéologues employés à les décrire, à dresser scientifiquement l’état des lieux et des monuments, il faudrait des architectes pour les restaurer et les entretenir, enfin une petite armée de surveillants pour