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comment finit la guerre.

officiers de complément seront certainement encore meilleurs et plus nombreux.

Mais les cadres de complément n’existent que par les cadres permanents de l’armée active, officiers et sous-officiers de carrière, qui les forment en même temps qu’ils instruisent les soldats. De la valeur de ces cadres permanents dépend celle de l’armée, outil de guerre : la nation fournit la matière première, les cadres permanents le façonnent, le commandement s’en sert.

Certes, la matière première est merveilleuse ; elle réunit les qualités de tous les métaux, et y joint même quelques autres. Une arme terrible peut en sortir, acérée, résistante, souple jusqu’à l’élasticité, plastique et gardant sa forme sous tous les chocs jusqu’à l’instant où il devient nécessaire d’en changer. Mais c’est une opération délicate que la fusion de tous les métaux du Nord et du Midi, de l’Est et de l’Ouest, en un alliage unique ; ce n’est pas un apprenti qui peut forger cette arme et lui donner sa trempe. Le malicieux alliage exagère en bavures les fautes du maladroit et une erreur peut rendre l’arme cassante. Mais, si le travail est bien fait, l’épée vit dans la main qui la tient et qui lui communique en même temps sa chaleur et sa volonté. Elle sent, elle vibre, elle résonne, prête au combat.

Donc les officiers de carrière jouent un rôle capital dans la préparation de la guerre. Sortis de toutes les classes de la nation, ils doivent prendre place dans l’élite. Le prestige du chef leur est nécessaire dans leur rôle d’éducateurs ; ils doivent l’assurer par un travail personnel qui étend sans cesse leurs connaissances, par l’accomplissement silencieux de leurs devoirs quotidiens et par la dignité de leur vie. Beaucoup voudront participer, tout au moins au début de leur carrière, à la formation des nouveaux régiments coloniaux et profiter de cette occasion pour étudier la plus grande France ; ils en reviendront l’esprit élargi par le contact avec des mondes nouveaux, l’initiative développée par l’imprévu constant de la vie coloniale, et souvent aussi la volonté trempée dans les combats. Aujourd’hui, il faut leur demander encore plus de travail et de réflexion qu’autrefois. Les changements constants dans le matériel se répercutent dans la technique de la guerre et la compliquent sans cesse. L’étude des armes et de tous les moyens de destruction récemment inventés, les procédés nouveaux d’attaque et de défense, les modifications qui en résultent dans la tactique et par conséquent dans les