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reviennent tous les quatre ans, toutes les notabilités du parti républicain. Par les immenses baies, sous les stores, on aperçoit l’avenue magnifique qui n’est maintenant qu’un courant humain sous le soleil cru : plus loin, le terre-plein, les eaux bleues du lac. Mais, des innombrables luncheurs qui, sous la conduite des cérémonieux maîtres d’hôtel, s’empressent parmi les petites tables, dont toutes, depuis plusieurs jours ou plusieurs mois, sont réservées, dont chacune porte un nom connu, aucun certes ne songe à regarder le panorama splendide.

On se montre les candidats, le chairman, les délégués en renom. Des sénateurs, des leaders du parti ou de la campagne, s’affairent, vont de l’une à l’autre, ont un mot pour chacun. La fille d’un ancien et peut-être du plus populaire président, s’entretient en riant avec le sénateur Lodge qui sourit, les yeux clos, dans sa barbe fleurie. Le terrible leader des Irréconciliables, le sénateur Hiram Johnson, carré, trapu, le geste impératif, précède, parmi les tables, l’aimable M. Johnson ; il semble vouloir dominer l’assemblée plutôt que trouver sa place. Près de la baie d’entrée, son collègue, l’obstiné sénateur de l’Idaho, M. Borah, les cheveux en arrière, le regard perçant, les traits accusés d’un Vitellius énergique, parle, sourit à une jeune femme, propriétaire de l’un des journaux influents et qu’il a lui-même surnommée la Grâce de Washington. La gaité d’ailleurs, est générale. On ne voit que figures souriantes. Et les rires, qui fusent à tout instant, dominent parfois les conversations et l’orchestre. Toutes les préoccupations sont oubliées, hormis une, celle de se faire social, c’est-à-dire de plaisanter, de rire, d’être vu, d’oublier la politique, d’avoir un grand time.


Mercredi 9 juin.

Déjà ce matin, dans la salle à manger et le lobby du Blackstone, le bruit s’est répandu que la conférence nocturne du « Comité national républicain » où se débattent et se fixeront, bien plus qu’à la Convention, les destinées du parti, a été orageuse à l’extrême. Le sénateur Johnson a déclaré, devant quelques journalistes et interviewers, « qu’il en avait fini, si la Ligue était approuvée dans la platform, » par quoi il a entendu signifier que lui et son partner étaient prêts à opérer la scission redoutée et annoncer la création d’un troisième parti, au cas où