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Le premier candidat nommé par la délégation d’Arizona, introduit devant la Convention, est le général Wood. Le directeur de sa campagne s’avance sur la passerelle, prononce un panégyrique qui dure environ trois quarts d’heure, conclut naturellement que le général est le seul homme des États-Unis qui puisse sauvegarder les intérêts et assurer les destinées du pays. La dernière phrase se termine obligatoirement par les mots et le nom qui doivent provoquer les applaudissements et susciter la démonstration traditionnelle : «… Vous choisirez donc pour votre prochain président le général Wood. »

Le nom à peine prononcé, tous les partisans du général, parmi les délégués et dans les tribunes, sont, comme d’une même poussée, d’un même élan, debout. Agitant, des deux bras, drapeaux et mouchoirs, acclamant, se démenant, ils produisent, avec sifflets, trompes, le maximum de bruit dans un éblouissement de couleurs. Ils sont si remuants, si bruyants, qu’ils semblent être toute l’assemblée. L’immense hall n’est plus que frémissement de têtes, agitation de bras, papillotement de drapeaux, surtout tempête, rafale de clameurs. En bas, des monômes s’organisent, qui passent dans les travées, font des recrues parmi les délégués de chaque État, — chacun des manifestants portant qui deux drapeaux qu’il brandit ou secoue frénétiquement, qui un portrait colossalement agrandi, effrayant du général, qui une pancarte : « Wood ! Nous voulons Wood ! » ou bien : « L’honneur du pays, enfin ! Wood ! » Et tous, la face apoplectique, la gorge ouverte crient, clament, aboient plutôt, inlassablement, de toutes leurs forces : « Wood ! Wood ! Wood ! Wood ! » Tout à coup, des cintres du plafond, une pluie multicolore, drue, de plumes portant le nom du candidat, et où dominent les rouges et les verts crus, tombe lentement, incessamment, emplit l’espace vibrant, semble hésiter, vibrer et frémir dans le vacarme. La rafale diminue parfois d’intensité, mais elle n’a ni accalmie, ni répit ; et, l’instant d’après, elle reprend, à clameurs plus nourries, à faces plus convulsées, toujours plus violente. C’est une prodigieuse vision de démence dans un tumulte qui n’a plus rien d’humain, le Paradis du Tintoret, changé en enfer, emporté dans un mouvement giratoire, où les contours se perdent, où choses et gens deviennent une mêlée polychrome et hurlante.

Il est entendu que la manifestation qui dure le plus