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Pendant quelques mois, le Simplicissimus attribua toutes les responsabilités du conflit à l’Allemagne impériale. Il fut visible qu’il ne craignait rien tant qu’une guerre, et qu’il redoutait la vague de réaction qui suivrait une victoire prussienne : il prévoyait dans ce cas une recrudescence du militarisme, une exaspération des sentiments chauvins, une épidémie de piétisme protestant[1]. La politique religieuse du ministère français suscita dans les Historisch-politische Blätter un article assez aigre dont l’auteur se réjouissait que l’Allemagne eût été assez forte pour provoquer la chute d’un ministre français[2]. Pourtant, au contraire de ce qui se passait dans les milieux libéraux et pangermanistes du royaume, ni les démocrates, ni les catholiques ne cherchèrent à attiser l’incendie ; ils tâchèrent bien plutôt de l’éteindre. Ces derniers conservèrent assez longtemps la même attitude. En 1907, les Historisch-politische Blätter s’efforcent de calmer l’opinion allemande que les journaux tentent d’exciter à propos des déserteurs de Casablanca. En 1911, lors de l’incident d’Agadir, elles ont encore une attitude conciliante, et, au moment où l’accord est signé, elles impriment un article très calme : elles regrettent qu’une affaire montée avec un tel fracas ait abouti à l’humiliation de l’Allemagne : elles en rejettent la faute sur Berlin, et prennent leur parti que le Maroc devienne français[3].

Dès 1906, au contraire, un certain flottement se manifeste dans le Simplicissimus. On y relève des attaques contre le « militarisme gaulois. » En 1911, la campagne contre la France devient beaucoup plus âpre et se confond avec celle que le même journal mène depuis 1899 contre l’Angleterre. Le ministre Delcassé devient sa bête noire. On le représente en apache guettant et dépouillant le chancelier Bethmann-Hollweg. On le montre à cheval sur un coq écarlate, avec cette légende : « Quand va-t-on descendre encore une fois ce dégoûtant bonhomme ? » Quant à Bethmann-Hollweg, il est accusé d’avoir conduit l’Allemagne à un nouveau Iéna[4]. Ces attaques, il est

  1. Simplicissimus, année X, n° 18.
  2. Historisch-politische Blätter, T. 136, p. 39. — Cf. en revanche, T. 135, p. 49, où il est déclaré que « les gens cultivés déplorent amèrement le refroidissement des relations entre l’Allemagne et la France. »
  3. Historisch-politische Blätter, T. 140, p. 444 et 148, p. 792.
  4. Simplicissimus, 22 et 29 janvier 1906 ; 15 mai ; 31 juillet, 7 août, 25 septembre, 18 décembre 1911.