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l’aile gauche, d’une manœuvre tout aussi puissante. Il est avéré que cette « tenaille » de gauche se composait de deux armées au grand complet : la 6° et la 7e armée comptant le 14e corps badois, le 15e corps de Strasbourg, le 21e corps de Metz, les trois corps d’armée bavarois et les corps de réserve correspondants, le 13e corps d’armée wurtembergeois. Tous ces corps d’armée, sans parler des réserves commandées par von Deimling, formaient une masse de la même valeur militaire que les armées de Bülow et de von Kluck. Que fût-il arrivé, si une telle force eût attaqué Nancy et pris de flanc notre droite, sans trouver d’adversaires devant elle ? Les 1re et 2e armées françaises ont eu à faire face à 10 corps d’armée, au moins, et ont livré, sur la Mortagne et sur la Meurthe, une série de batailles qui ont encadré celle de Charleroi, et qui, pour avoir eu moins de retentissement, n’en ont pas moins été décisives. Les défaites éprouvées à la trouée de Charmes, sur la Mortagne, au Grand Couronné, par le prince héritier de Bavière et par le général von Heeringen ont été une des causes principales de la perte finale de la guerre pour les Allemands. Elles ont, dès la première heure, anéanti les combinaisons escomptées par leur plan initial. C’est notre « force de l’Est » qui d’abord a sauvé le pays.

Par le fait que les armées de droite tenaient bon, le centre put, ainsi que le voulut si énergiquement le général Sarrail, rester accroché à Verdun. Nancy, Verdun échappant à l’ennemi pour toute la durée de la guerre et permettant la manœuvre de la Marne, tel fut un des avantages incontestables du plan 17.

En raison de cette heureuse solidité de notre droite, la manœuvre de la droite allemande, orientée tout d’abord dans la direction du Sud-Ouest, jusque sur la basse Seine, dut s’infléchir subitement dans la direction du Sud, puis du Sud-Est. Le grand État-major allemand a expliqué ainsi la nécessité où se trouva von Kluck de raccourcir sa manœuvre ; et von Kluck a dit lui-même que, s’il avait su ce qui se passait dans l’Est, il n’aurait jamais tenté de franchir la Marne. Les armées allemandes n’étaient plus ni assez nombreuses ni assez fortes pour mener à bonne fin le vaste encerclement des forces françaises qui avait été le projet initial.

Que nous ayons été victorieux dans l’Est dès les premiers jours de la guerre, cela a eu des conséquences incalculables et on ne peut plus heureuses. Si nous avions été battus devant