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environ dans le Sud-Est du village Oude-Stuyvekenskerke ; la compagnie de gauche (Pinguet) est en soutien à la hauteur de Roode-Poort. Le commandant Jeanniot me fait dire que tout va bien, et qu’il a bon espoir d’atteindre Dentoren avant la nuit.

Mais, vers 14 heures, la situation se modifie complètement. D’une part, le bombardement lourd allemand se concentre sur la région, et nos pertes croissent rapidement ; d’autre part, sous une violente attaque de mitrailleuses, les troupes belges perdent le village, et nos compagnies, sans liaison à gauche ni à droite, sont vivement entreprises par les mitrailleuses qui ont garni le village aussitôt que les Allemands l’ont occupé. La situation se complique encore du fait que notre compagnie de droite recule, ayant perdu tous ses officiers et premiers-maîtres, et que la compagnie Cherdel en fait autant sous la violence du feu d’artillerie. Le commandant Jeanniot rallie ses éléments, tant bien que mal, et s’établit derrière une partie du chemin-digue. La nuit tombe et ramène le calme peu à peu.

L’attaque sur Den Toren a échoué, mais l’ennemi n’a pas atteint le chemin-digue d’Ootskerke à l’Yser, et c’est l’essentiel pour la position de Dixmude. Je m’en contente donc, faute de mieux ; mais, comme je ne sais rien de précis sur la situation du bataillon Jeanniot, j’envoie Durand-Gasselin, de mon état-major, pour tâcher de la reconnaître sur place. Durand-Gasselin y emploie toute la nuit, tant la reconnaissance est difficile dans ce maudit polder ; mais il a réussi à rétablir la liaison avec notre front de l’Yser Nord, en constituant un groupe avec des hommes qui n’ont plus de chefs, et en en gardant le commandement jusqu’au jour. Par un autre officier de mon état-major, j’apprends dans la soirée que la gauche du bataillon se trouve en liaison avec des troupes belges qui tiennent le chemin-digue jusqu’à la voie ferrée de Nieuport et occupent la ferme Roode-Poort et ses abords.

La journée a été dure, et nos pertes sont considérables ; mais nous ne sommes pas tournés, et le front n’a plus de brèches. Tel qu’il est réalisé ce soir, ce front sera d’ailleurs identiquement le même dans quatre ans.

Cependant, j’ai sur les bras un front de plus, orienté face au Nord, et cela m’en fait trois en comptant les deux que je conserve face à l’Est. D’autre part, le nouveau front Nord est perpendiculaire à celui de l’Yser. L’ennemi nous enveloppe