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cent onze boursières, choisies sur notre présentation par trois de ses déléguées, et conduites par l’une d’elles en Amérique. Encore faut-il ajouter les bourses offertes par la fondation Carnegie, d’autres encore offertes par diverses Universités. Cependant, des boursières américaines fréquentent nos Universités, Sèvres, l’École normale de Saint-Germain-en-Laye, nos collèges de jeunes filles. Dans le même esprit de réciprocité vient de se fonder à Paris l’Institut d’études slaves ; on voit assez les perspectives immenses qui s’ouvrent à lui, et l’importance de sa mission.

Quelquefois aussi, il s’agit d’un don total et sans demande de retour. La Serbie nous appelle instamment. La Roumanie ne désire pas seulement que la langue française reste chez elle privilégiée, ainsi qu’elle l’est déjà : elle veut en faire la langue même de sa culture. Elle estime qu’ayant pris pour base de son enseignement depuis trente ans le latin, le latin l’a déçue ; et qu’elle a intérêt à le remplacer par le français. Le fait est capital dans l’histoire de notre influence. On passe ici volontairement, délibérément, après réflexion, après expérience, au choix du français comme instrument de la formation intellectuelle de tout un peuple, comme véhicule de la civilisation moderne. La Roumanie, dès lors, veut des professeurs français pour sa capitale et pour ses grandes villes ; elle en veut dans ses universités, dans ses lycées, dans ses gymnases, dans ses écoles normales, techniques, primaires. Trente professeurs déjà, officiellement choisis, sont partis pour répondre à ce vœu : touchante expédition pacifique, dont je ne connais pas l’égale ; « mission » qui honore à la fois le pays d’où elle vient et le pays où elle va ; union des esprits et des cœurs, après l’union pour la victoire ! — Émouvant aussi, à sa façon, est l’appel de l’Esthonie, qui veut nous envoyer des élèves et nous demande des maîtres, et même des maîtresses d’école maternelle, « considérant l’intérêt qu’il y a, dit-elle, à ne pas laisser retomber les futurs étudiants sous l’influence morale de l’Allemagne… »

Mais de tous les effets produits ou achevés par la guerre en ce sens, un des plus curieux en vérité est l’élan qui pousse la Chine vers nous. Ils sont dès maintenant huit cents, les jeunes Chinois qui ont voulu apprendre le français en France : bientôt ils se compteront par milliers. Car avec une ardeur qui tient de la foi, malgré tous les obstacles des temps difficiles et du loin-