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qui termine la grande guerre ; s’il n’est pas sûr de résonner seul sous les voûtes du futur palais de la Société des Nations, au moins possède-t-il une force supérieure à toutes les volontés officielles : le renouveau de l’amour qu’on lui porte. L’époque actuelle marque pour lui un épanouissement ; les années qui suivront porteront à sa plénitude ce renouveau. Il restera chargé de tous les souvenirs, de toutes les gloires de la guerre. Le choix qu’on a fait de lui comme langue éducatrice de tout un peuple est sans précédent dans l’histoire de son expansion ; les États-Unis l’appellent, le Nouveau monde s’ouvre à lui. Ainsi nous pouvons envisager l’avenir avec confiance ; mais à une condition.

À la condition de redoubler notre effort. Les difficultés des jours présents, que nous nous figurions devoir être si paisibles et si beaux, au moment où leur espoir nous soutenait dans la lutte, nous offrent au moins l’avantage de nous montrer quelle doit être la mentalité du vainqueur. Il faut que le vainqueur ne se relâche point ; qu’il garde la conscience de ses propres défauts, qui lui ont rendu la bataille si longue et si difficile ; la connaissance des qualités de l’ennemi, dont l’activité est retardée, mais non pas arrêtée ; la crainte de la vanité, mère des faiblesses ; et la conviction profonde qu’il doit s’aider lui-même, s’il veut continuer à être aidé des dieux. Se contenter des gloires passées, enregistrer les gains sans rien faire pour qu’ils deviennent définitifs, parler légèrement des pertes en les déclarant inévitables, compter sur les autres en se leurrant soi-même, c’est préparer les défaites de l’avenir.

Déjà nous travaillons. Si quelques-uns nous reprochent ce qu’ils appellent notre paresse, ce sont d’étranges gens, qui veulent tromper, ou qui se trompent. Ils la confondent peut-être avec certains troubles inévitables, venus de notre fatigue ou de notre épuisement. L’épuisement passager, qui s’explique par tout le sang que nous avons perdu, est autre chose que la paresse ; et ils ont tort. Je voudrais qu’on me citât l’exemple d’un seul pays qui, éprouvé comme le nôtre, reprit aussi vite ses plus hautes activités. Nous travaillons au milieu de nos ruines. Mais nous devons travailler plus encore ; au moins autant que nos concurrents ; davantage, puisqu’ayant été moins rudement frappés, il leur est plus facile de se reprendre. Chaque nation a le droit de prétendre pour sa langue à toutes les conquêtes : quoi de plus naturel et de plus légitime ? L’Italie cherche à établir,