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bien arrêtée de ruiner l’industrie française, de supprimer notre concurrence, de nous forcer à acheter chez eux. Ils ont voulu que, pendant des années, il n’y eût plus de France industrielle sur le marché du monde. Ils y ont presque réussi. Quand bien même ils désireraient aujourd’hui réparer le mal commis, ils ne le pourraient plus, et nous les connaîtrions bien mal, si nous supposions chez eux un tel désir. Ils doivent, au contraire, assister avec quelque ironie à l’évolution par laquelle la France est fatalement amenée à se retourner vers eux pour leur acheter des machines qui, en Angleterre et en Amérique, atteignent, par l’effet du change, des prix ruineux. Les conditions d’achat ne sont pas, il est vrai, tout à fait celles qu’ils avaient rêvées, puisque les sommes à recouvrer sur nous entrent dans le large compte des réparations. Mais, en attendant un avenir dont nul ne possède le secret, c’est la France, ce n’est pas l’Allemagne qui a son industrie arrêtée, paralysée, et qui est obligée d’acquérir à l’étranger ce dont elle a besoin, au lieu de se vivifier par l’exportation.

Actuellement, il faut bien voir les choses telles qu’elles sont, en dépit de l’optimisme, un peu lassant et décourageant à la longue, que professent quelques milieux officiels. Nous manquons de charbon et nous en manquerons très longtemps. Notre houille blanche, dont la mise en valeur se développe chaque jour, est mangée d’avance ; la possibilité de se procurer du « mazout, » ce résidu du pétrole sur lequel on se jette en ce moment, est des plus limitées. Nos rares mines de charbon françaises demeurées indemnes doivent renoncer à augmenter leur production pour des raisons sociales qui, dans cette industrie si spéciale, se superposent à des impossibilités techniques. Le charbon allemand ne nous arrivera que dans la mesure où les Allemands le voudront bien, et notre politique dans la Ruhr, peut-être très profonde, mais difficilement compréhensible, ne les a pas forcés à le vouloir. La conséquence un peu imprévue est que bien des questions de surproduction, envisagées jadis avec inquiétude, ne se posent plus.

On se demandait, par exemple, en additionnant avec notre production de fonte celle de la Lorraine désannexée, comment nous arriverions à placer et à exporter tout ce stock. La difficulté est levée d’une manière qu’il est permis de considérer comme fâcheuse, puisque, faute de combustible, nos usines