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combiner avec une opération simultanée sur tous les fronts.

Malheureusement, les conditions défectueuses dans lesquelles avaient eu lieu les transports de matériel à destination de la Russie, au cours de l’hiver 1915-1916, occasionnaient un retard considérable dans la réorganisation des armées russes. Dès le mois de janvier on put prévoir qu’elles ne seraient pas en état d’attaquer au printemps comme on avait pu l’espérer aux conférences de Chantilly le 6 décembre 1915.

D’autre part, au cours des conversations du 22 janvier et du 14 février 1916 avec les généraux Haig et Robertson, on avait constaté qu’une action britannique ne serait pas possible non plus au début du printemps. Finalement, on avait fixé la date de l’offensive occidentale au 30 juin, étant entendu que l’offensive de l’armée russe se déclencherait le 15 juin.

C’est dans ces conditions que la volonté allemande se jeta au travers de la nôtre en attaquant à Verdun.

Du 21 janvier au 30 juin, la France et le monde n’eurent d’yeux que pour Verdun. On ne s’est pas douté qu’un drame parallèle se jouait entre les deux grands quartiers généraux français et allemand : celui-ci s’efforçant de briser la volonté offensive de la coalition qu’il avait pressentie, celui-là se refusant à abandonner le plan qu’il avait élaboré.

En effet, le haut commandement français se rendait parfaitement compte que si l’on parvenait, malgré la ruée des Allemands sur Verdun, à déclencher dans les conditions prévues, la bataille des Alliés à la fois sur la Somme et en Russie, une telle initiative serait d’une portée immense, puisqu’elle eût bloqué l’offensive ennemie non seulement par une défensive heureuse, mais par une offensive qu’on espérait victorieuse.

On peut penser quelle devait être l’anxiété du général Joffre, déjà retardé dans son premier projet, ayant en mains maintenant l’engagement écrit de tous les Alliés d’intervenir quand il l’ordonnerait, mesurant heure par heure la force de résistance de nos armées, calculant le degré de préparation des armées alliées, et s’apercevant toujours que ce dernier calcul n’était jamais tout à fait juste et que les Russes et les Britanniques tardaient, tardaient encore, les premiers reportant maintenant leur entrée en ligne à la fin du mois de juin.

Et Verdun ?

Joffre recevait, de l’armée de Verdun, les demandes de