Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnelle de M. Briand auprès du premier ministre anglais.

Le 6 mai, malgré l’usure subie par l’armée française, le général Joffre admet, sur une demande du général Alexeieff, que les armées russes n’attaquent que le 15 juin, ce qui, par voie de conséquence, reportait l’offensive franco-britannique à la date du 1er juillet. Il intervient auprès du gouvernement anglais pour obtenir l’envoi en France de divisions supplémentaires d’Egypte.

Entre temps, le 15 mai, l’armée italienne était attaquée violemment par l’armée autrichienne. Aux soucis de Verdun d’autres viennent s’ajouter. A partir de ce moment, l’action du commandement français s’exerce simultanément sur les opérations russes et italiennes en vue de concilier deux données en quelque sorte contradictoires : d’une part, hâter l’offensive russe pour soulager l’Italie et, d’autre part, ne pas précipiter l’armée russe dans une offensive prématurée ; car, insuffisamment préparée, elle serait inefficace et, prononcée trop tôt, elle ne serait plus en concordance avec les attaques sur le front occidental remises au 1er juillet.

Tant d’événements qui se multiplient viennent se mettre en travers de la volonté du général en chef ; elle demeure inébranlable.

Alors que nous subissions devant Verdun des pertes dont le total s’élèvera à 280.000 tués, blessés ou disparus, tandis que 74 divisions françaises passent sur le champ de bataille, que 10 d’entre elles y paraissent deux fois, le général Joffre n’hésite pas à écrire au président du Conseil dans la lettre où il demandait à celui-ci d’agir avec insistance à Londres :

La période d’opérations qui va s’ouvrir constituera une période critique de la guerre. Militairement, la quadruple entente ne peut plus être battue, pour peu qu’elle sache coordonner ses efforts. Mais il ne suffit pas de vaincre à long terme, il faut terminer la guerre vite. Si nos prochaines offensives générales ne réussissent pas, la coalition ne pourra, de longtemps, renouveler un effort militaire de puissance égale ; la guerre traînera en longueur, guerre de blocus et d’épuisement économique. Or, la France, qui s’est dépensée jusqu’ici sans compter, arrive au terme de son effort. On doit prévoir qu’elle sortirait d’une guerre de ce genre à peu près ruinée. La Grande-Bretagne a tout intérêt à éviter cette éventualité qui désarmerait pour de longues années son principal allié sur le continent. Elle a un intérêt égal à ne