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anciennes, et qui, vieille comme l’histoire elle-même, se perpétuait sans faiblir. En 1898, lorsque le ministre impérial Podbielsky avait tenté de faire adopter par la Bavière les timbres en usage dans le reste de l’Allemagne, il avait rencontré la plus ferme résistance, et Hase avait écrit ces vers :

« Pourtant, si vous voulez plus que maintenant, — Nous enthousiasmer pour votre chère Prusse, — Apportez-nous d’abord d’autres réformes — Que celle qui consiste à coller des timbres. — Avec celle-ci vous ne gagneriez pas une seule sympathie — Si tout le reste demeurait sans changement. — Il est facile de mettre des timbres sur des enveloppes — Mais difficile de mettre l’amour dans les cœurs. »

Les Bavarois différaient des Prussiens par leur caractère comme par leurs goûts, et c’est sur ces deux points que l’incompatibilité s’affirmait avec évidence. La Prusse est guerrière, déclarait Franziss, mais non la Bavière, qui, au contraire, aime surtout les arts de la paix. « En fait de civilisation, écrivait-il, elle a une mission pacifique ; sa gloire dans le domaine intellectuel ne le cède en rien à la supériorité politique et militaire de la Prusse. » Depuis de longues années, en effet, le royaume s’enorgueillissait d’un bel effort artistique. Avant la Révolution, les villes de Landshut, Ingolstadt, Augsbourg avaient été ornées d’importants monuments par les électeurs. A Munich, le roi Louis Ier fit construire les Propylées, le grand théâtre, l’ancienne pinacothèque, l’Odéon, la porte de la Victoire. Il s’entoura de savants tels que Lasaulx, Schelling, Görres, Thiersch, d’artistes tels que les architectes Klenze et Gärtner ou les peintres Moritz von Schwind, Cornélius, Kaulbach, Piloty, Schraudolph. Son successeur Maximilien II avait continué cette tradition. Il avait reçu dans son palais les poètes Bodenstedt, Geibel, Heyse, Kobell, Pocci, les professeurs Liebig, Löher, Pettenkofer, Pözl, Riehl, Sybel. Wagner avait été le protégé de Louis II. Le prince-régent Luitpold favorisa les peintres.

Munich avait donc la prétention d’être l’Athènes de l’Allemagne. Les expositions d’art s’y succédaient. Ce n’était pas l’officier qui y tenait le premier rang. Au contraire, il suffisait de manier le pinceau ou l’ébauchoir, d’être poète ou musicien pour y jouir de l’estime publique et pour occuper la curiosité. Aussi quel mépris n’avaient pas les Bavarois pour la sombre Béotie figurée par le territoire prussien ! Là-bas, dans ce Nord