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pour nous déplaire. Mais mieux vaudrait encore qu’au lieu d’une grande et d’une petite Entente, il subsistât, après la victoire commune, une Entente unique, comprenant tous les Alliés d’hier. Si le traité de Versailles n’avait pas arbitrairement distingué les « Principales puissances » et les autres, si le Conseil suprême n’avait pas artificiellement rétréci sa composition, nous ne nous trouverions pas aujourd’hui en face de groupements séparés, qui seront forcément exposés, avec le temps, à s’éloigner un peu les uns des autres. Tâchons, du moins, de ne pas semer entre eux des germes de malentendus et efforçons-nous aussi d’éviter les faux pas dans ce dédale de nationalités qu’est devenue l’Europe nouvelle.

J’ai fait allusion, l’autre jour, à une démarche inconsidérée qu’on avait eu l’idée d’entreprendre à Bucarest, à Prague et à Belgrade pour obtenir que la Roumanie, la Tchéco-Slovaquie et la Serbie consentissent à une action commune avec la Hongrie en faveur de la Pologne. Cette tentative, si discrète qu’elle fût, a surpris et inquiété les gouvernements serbe, tchèque et roumain, qui l’ont naturellement écartée. Sans doute, M. Take Jonesco, qui est un homme d’État sagace et prévoyant, a cru utile pour son pays d’entrer en rapports avec l’amiral Horthy, afin de chercher à résoudre quelques-unes des questions pendantes entre la Hongrie et la Roumanie. Sans doute, le cabinet de Bucarest a envisagé l’envoi d’un représentant à Budapest, sans attendre la ratification du traité de Trianon. Mais n’allons pas conclure de là que nous puissions, dès aujourd’hui, conseiller à la Roumanie d’entamer avec les Magyars une collaboration politique ni surtout une coopération militaire. Gardons-nous également de laisser croire que, sous prétexte d’établir des relations amicales entre la Roumanie et la Hongrie, nous puissions engager celle-là à sacrifier ses droits sur le Banat de Temesvar. La légation de Roumanie a été amenée, ces jours-ci, à déclarer que son gouvernement n’était prêt à aucune concession sur ce point et il est regrettable que cette note ait pu paraître nécessaire. Si nous voulons que nos Alliés nous appuient dans l’exécution des traités de paix, nous devons leur donner la garantie de la réciprocité. La perspective d’une entente avec les Magyars n’a pas été mieux accueillie à Prague. M. Benès a expliqué, devant la Commission du Parlement tchèque, que le groupement dont il avait été le promoteur, était dirigé, tout à la fois, contre le projet d’une reconstitution de l’ancienne monarchie autrichienne et contre les velléités d’établissement d’une fédération danubienne ; et il a indiqué que les accords militaires, de