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continuent à intriguer dans les territoires qu’ils ont été forcés de libérer, tout comme les Allemands intriguent encore aujourd’hui à Metz et à Strasbourg. Le moyen, pour nous, d’accepter, au même moment, comme compagnons d’armes, ces ennemis qui n’ont rien appris ? » M. Take Jonesco, M. Vesnitch, M. Benès, sont tous trois des amis de la Grande Entente et on peut être sûr qu’entre leurs mains, la Petite Entente sera pour nous une précieuse auxiliaire. Mais ne fermons pas les yeux à l’évidence et ne cherchons pas à marier l’eau et le feu. Faisons ce qui dépend de nous pour calmer les animosités et les rancunes ; soyons des conseillers de prudence et des ouvriers de paix ; mais restons, d’abord, avec nos Alliés et ne sautons pas trop lestement d’un côté à l’autre de la barricade.

Pendant la guerre, les Roumains sont venus à nous ; ils sont entrés en lice à nos côtés ; et si, écrasés par le nombre, abandonnés par la Russie, ils ont été obligés de subir momentanément une paix rigoureuse, ils se sont arrachés, aussi rapidement qu’il leur a été possible, à la servitude que les Empires du centre voulaient leur imposer. Il serait aussi absurde qu’injuste de leur reprocher comme une défaillance une nécessité passagère, mais inéluctable, et de douter des sympathies d’un peuple qui est, dans la vallée du Danube, le défenseur historique de la civilisation latine. Les Slovènes et les Croates n’ont eu, depuis longtemps, d’autre pensée que de secouer le joug de la monarchie austro-hongroise et, pendant le cours des hostilités, ils ont travaillé, comme les Tchèques, à la décomposition de nos ennemis et sont venus, en masse, combattre sous les drapeaux italiens et sous les nôtres. Les Hongrois ont été, au contraire, parmi nos ennemis les plus ardents et les plus obstinés et il faut malheureusement ajouter que leur influence dans la politique de l’Empire dualiste avait trop souvent été néfaste. Ce sont leurs prétentions à l’hégémonie, leur esprit de domination, leurs excès d’autorité qui avaient le plus indisposé les Slaves de la monarchie et qui avaient poussé une si grande partie des populations du Sud à tourner leurs yeux vers Belgrade ; et c’est ce mécontentement chronique des Slaves, provoqué par les Magyars eux-mêmes, qui a fait perdre ensuite toute mesure au gouvernement austro-hongrois et a servi de prétexte aux menaces contre la Serbie. Nous n’avons pas le droit de faire bon marché de ces souvenirs. Il est beau de nous montrer généreux vis-à-vis de nos anciens adversaires, mais à la condition que cette générosité ne s’exerce pas aux dépens de nos amis. Arrangeons-nous pour entretenir désormais avec la Hongrie des relations courtoises et