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avenir plus ou moins prochain, c’était l’état de siège, avec toutes les vexations et toutes les humiliations qu’il comporta, lorsqu’il est établi par un gouvernement sans scrupule sur des provinces qu’il tient pour suspectes et bientôt pour rebelles. Pendant quatre ans, la Pologne vécut dans un isolement terrible, dans une sorte d’internement moral, dont 1ns conséquences se font sentir encore aujourd’hui. Des péripéties de la grande mêlée, où se jouait son sort, avec celui de tant d’autres peuples, elle ne connut rien qu’à travers les déformations et les mensonges des agences autrichiennes ou allemandes. Des préoccupations de l’Entente à son égard, on lui laissait tout ignorer : il entrait dans le dessein de ses oppresseurs qu’elle se crut abandonnée de ceux qu’elle s’obstinait à considérer comme ses amis et qui devaient être bientôt ses sauveurs.

En revanche, on menait grand tapage autour des « mesures de bienveillance » consenties par les Empires centraux : reconnaissance de l’indépendance de la Pologne par les deux souverains allemand et austro-hongrois, constitution d’un gouvernement soi-disant national, réouverture de l’Université de Varsovie sous les auspices de l’Allemagne, enfin convention cynique du 13 août 1918, aux termes de laquelle la Pologne était invitée à s’agrandir aux dépens de la Russie, mise hors de cause.

— A défaut d’autres indices, me disait un Polonais, nous mesurions la fortune bonne ou mauvaise de nos ennemis à leurs exigences impitoyables ou à la relative modération dont ils usaient envers nous. Nous n’avions sur la guerre d’informations précises que celles que nous rapportait de Suisse, à de très longs intervalles, quelque ami qui avait obtenu par miracle la permission de sortir du pays et d’y rentrer. Un petit ouvrage purement statistique sur l’Usure des armées allemandes et austro-hongroises, écrit et imprimé secrètement par le professeur Dombrowski, aujourd’hui sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, causa à tous ceux qui le lurent une consolante et joyeuse surprise. Avec quelle rage l’autorité allemande en pourchassa chaque exemplaire !

J’étais curieux d’apprendre, mieux que je ne l’avais pu faire par la lecture des journaux et des rapports officiels, quelle avait été pendant cette période douloureuse, l’attitude des Polonais, en Galicie, dans l’ancien Royaume, en Posnanie. Un soir