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Comme je demandais au directeur d’un grand journal conservateur, le docteur Noskowski, comment il ’appréciait le résultat des premières élections polonaises, il me répondit :

— J’observe tout d’abord que, bien qu’elles fussent préparées par un gouvernement où l’élément socialiste était en majorité, les élections n’ont amené à la Diète qu’un petit nombre de socialistes ; et voilà qui en dit long sur les véritables tendances du pays. D’autre part, la classe paysanne est de beaucoup celle qui a obtenu le plus de députés ; et cela est naturel, étant donné le mode d’élection, puisque les paysans forment en Pologne la grande majorité de la population. La Pologne est un pays agraire, il ne faut pas l’oublier. Beaucoup de nos paysans sont illettrés ; ceux qu’ils ont envoyés à la Diète ne sont pas des savants, mais ne croyez pas que ce soient des imbéciles. Ils savent fort bien tout ce qui se rapporte à leur métier, et ils ont conscience d’ignorer le reste, qu’il n’est assurément pas inutile de connaître pour voter des lois et pour gouverner. Cette conscience qu’ils ont de leur insuffisance est une sauvegarde pour eux, et pour nous ; leur bon sens naturel en est une autre. Déjà plusieurs d’entre eux reconnaissent l’opportunité d’une représentation plus nombreuse et plus équitable des villes, du commerce, de l’industrie, de l’ « intelligence. »

— Mais l’intelligence, en Pologne, est-elle démocratique ?

— Oui, en très grande partie. Nous sommes tous partisans de certaines grandes réformes. Seulement, les conservateurs ont cru bien faire en prenant à leur compte la formule que nous a laissée naguère, en guise de suprême conseil, votre compatriote M. Noulens : « Pas de réforme précipitée. » Notre bourgeoisie est libérale et nos paysans sont conservateurs. Nos ouvriers eux-mêmes sont, pour la plupart, hostiles à l’idée d’une révolution. Enfin, et surtout, nous sommes tous patriotes.


A LÀ DIÈTE ; ENTRETIEN AVEC MGR TEODOROWICZ

La Diète tient ses séances dans un ancien pensionnat de demoiselles, ouvert jadis dans le plus beau quartier de Varsovie par le gouvernement russe, qui voulait faire élever à sa façon les jeunes filles, de l’aristocratie polonaise. L’Institut porte le nom de sa protectrice, l’impératrice Marie-Féodorovna, mère du tsar Nicolas II. Luxueusement installé, entouré de vastes et