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Les États-Unis venaient d’entrer dans la guerre. Il s’agissait, pour les gouvernements alliés, d’obtenir, de la grande puissance d’outre-Atlantique, un effort militaire prompt et considérable L’Amérique n’était nullement préparée ; mais ses ressources étaient formidables et l’on pouvait tout attendre d’un peuple dont la générosité et la hardiesse étaient légendaires.

Cependant, il fallait guider et orienter l’opinion américaine. Il fallait apporter au gouvernement américain des garanties morales et des directions précises.

De la ferveur religieuse avec laquelle le maréchal Joffre fut accueilli par tout un peuple, ce n’est pas le lieu de dire les touchantes manifestations. Les enfants étaient amenés sur son passage. Les hommes et les femmes se groupaient autour de lui et lui faisaient cortège. Le nom de la France était sur toutes les lèvres et quand M. Viviani parlait avec cette éloquence ardente qui est la sienne, les acclamations s’élevaient vers les deux représentants de notre pays.

Ce peuple, qui sentait sa force immense, ignorait le moyen de l’utiliser, il n’avait aucune expérience militaire : aussi, il accepta le vainqueur de la Marne non seulement comme un ami, mais comme un éducateur ; il eût volontiers demandé et même sollicité des ordres. Le maréchal s’en tint sagement aux conseils. Parti de France sans aucune directive, il avait longuement étudié, au cours de la traversée, le plan qu’il voulait proposer au département de la guerre à Washington. Comme tous les travaux qu’il a mis au point, celui-ci présentait un caractère d’unité et de réalisation pratique fait pour impressionner les Américains.

Dans les conférences familières poursuivies au ministère de la guerre et au War-College, le maréchal Joffre se prêtant avec bonne grâce à toutes les demandes d’explication, convainquit rapidement ses auditeurs de la justesse de ses vues. Alors que les Américains se demandaient d’abord s’ils enverraient 10 ou 20 000 hommes en France, le maréchal leur présenta les cadres d’une vaste organisation pouvant recevoir au besoin plusieurs millions d’hommes. Il ne s’agit plus seulement de l’envoi d’un corps expéditionnaire, mais bien de la constitution de cette grande armée américaine que nous avons connue en France, et ce résultat fut obtenu dès la deuxième entrevue. Le Parlement, conquis à l’idée, vota en quelques jours la loi de