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provisoirement une certaine autonomie ; avec le produit des impôts, elles commencent par couvrir leurs propres dépenses ; l’excédent, s’il y en a un, est versé au trésor central, à Varsovie.

Aux impatiences de quelques doctrinaires, qui voudraient voir toute la Pologne soumise immédiatement aux règles d’une centralisation parfaite et intransigeante, fait heureusement contre-poids la tolérance avisée de ceux qui, non contents d’avoir appris la politique dans les livres, ont ouvert les yeux sur la réalité.

— Nous ne souhaitons pas, me disait l’un de ces derniers, une unification trop rapide de la Pologne. Le temps ne respecte pas ce qui a été fait sans lui, et il faut tenir compte de l’œuvre du temps, qui ne fut pas identique dans les trois provinces. En Galicie, les Polonais se gouvernaient eux-mêmes : ils ont acquis de ce fait une certaine expérience de la politique et de l’administration. Malheureusement, administration et politique restaient le monopole du parti conservateur. Néanmoins, la Galicie reste un pays riche, dont les ressources fiscales couvrent à peu près les dépenses.

« En Posnanie, la domination prussienne a forgé des hommes énergiques et disciplinés ; elle les tenait éloignés des charges publiques, mais les obligeait, par la crainte de la concurrence, à apporter dans l’administration privée une science approfondie et une méthode impeccable. Tout le pays est supérieurement organisé ; on n’y trouve pas d’illettrés et l’on y voit peu d’indigents. La Posnanie est peut-être la seule contrée en Europe qui n’ait pas de dette et couvre ses dépenses avec ses recettes. Elle n’est privée pourtant ni de routes, ni d’écoles, ni d’institutions philanthropiques.

« Dans le royaume, le gouvernement russe ne faisait rien pour les Polonais : peu d’écoles, peu de routes et mal entretenues, presque pas de chemins de fer. Mais il exigeait encore moins ; l’impôt était perçu très irrégulièrement ; beaucoup de Polonais ne se souviennent pas de l’avoir jamais payé. En Posnanie, les autorités locales n’ont pas eu de peine, non seulement à maintenir la quotité de l’impôt naguère exigé par la Prusse et par l’Empire, mais encore à l’augmenter. Essayez donc d’en faire autant dans la Pologne du Congrès.

« D’où je conclus qu’une unification immédiate aurait pour résultat de sacrifier d’une manière trop criante à l’ancien royaume