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loi de 1905 et les Cultuelles ou de demeurer indéfiniment hors la loi. Or, sous peine de consommer sa ruine à brève échéance, l’Eglise de France ne peut demeurer plus longtemps dans cette situation.


III

On a beaucoup célébré la beauté du geste qui, sur un ordre du Souverain-Pontife Pie X, nous a dépouillés de tout, et nous avons été fiers de pouvoir dire à notre Chef et à notre Père : « Nous vous avons suivi jusqu’à la ruine ; s’il le faut, Dieu aidant, nous vous suivrons jusqu’à la mort. »

Notre satisfaction et notre fierté seraient sans mélange si nos personnes seules avaient été dépouillées et condamnées à la pauvreté ; depuis longtemps déjà, nos prêtres y étaient réduits, et l’existence elle-même de nos évêques contrastait, par sa modestie et sa simplicité, avec ces grands palais insuffisamment meublés qu’ils ont quittés si allègrement. Toutefois, — nous ne pouvons pas, et nous ne devons pas l’oublier, ni le laisser oublier à nos fidèles, — le milliard ou presque dont nous nous sommes dépouillés n’était pas un argent de luxe, s’il est permis de parler ainsi ; il était consacré, en très grande partie, à nos œuvres les plus vitales, et il leur manque douloureusement. Les conséquences de ces spoliations, si nous ne pouvons pas les prévenir ou les réparer le plus tôt possible, sont déjà et seront surtout, dans un avenir prochain, désastreuses pour ces œuvres et les âmes qu’elles évangélisaient.

Il suffit, pour s’en convaincre, de faire le très alarmant inventaire de ces ruines. Et tout d’abord nos églises. Où en sont-elles et qu’y sommes-nous nous-mêmes ? La loi de 1907 nous en attribue, il est vrai, la jouissance, mais sans donner à cette jouissance aucun caractère exclusif et inviolable. Les dispositions bienveillantes et libérales du Gouvernement actuel et de l’opinion nous rassurent, jusqu’à un certain point à cette heure, contre toute inquiétude, mais si ces dispositions et ce Gouvernement lui-même venaient à changer, il n’y a pas à se faire illusion, notre situation y deviendrait précaire et menacée. Une telle situation ne nous offre évidemment aucune garantie ; elle est sans sécurité aussi bien que sans dignité : c’est pour l’avoir aperçue et dans l’espérance de la corriger qu’en la seconde ou troisième Assemblée générale de l’Episcopat, la grande