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nous le savons, qui auraient le moyen et le désir de nous venir efficacement en aide, soit de leur vivant, soit par leur testament, cédant à leur propre inspiration ou à des conseils qu’ils croient autorisés, renoncent à le faire en attendant que nous puissions leur offrir des garanties légales. Un fait bien significatif, sous ce rapport, et constaté par une statistique incontestable, est l’augmentation en ces dernières années des legs et des dons faits à des œuvres purement philanthropiques ou laïques, mais dont la légalité est incontestable, et la diminution au contraire de ceux dont nos églises bénéficiaient. Si cette diminution alarmante tient à un préjugé, il est à peu près universel en France, et souvent les plus intransigeants et les plus hostiles à tout accommodement sur le terrain légal, lorsqu’ils parlent en politiques, dès qu’il est question pour eux d’une œuvre personnelle et charitable, s’en vont trouver leur notaire pour connaître la manière la plus sûre d’assurer la destination de leurs dons. Or, à ce moment, presque tous nos notaires et nos hommes de loi leur persuadent de renoncer à leurs desseins charitables, ou d’en différer l’exécution jusqu’à ce que nous puissions leur offrir les garanties légales qui nous manquent. Bien peu se résignent à livrer aux périls et aux charges de la propriété personnelle un don de quelque importance, fût-ce entre les mains les plus dignes de leur confiance, celles mêmes de leur évoque ou de leur curé. Et de fait, quand on a constaté par expérience ce que deviennent trop souvent les dépôts les plus sacrés, soit par l’indélicatesse, l’inexpérience ou les négligences des dépositaires, soit par la cupidité de leurs héritiers naturels, on est obligé de convenir que ces défiances sont parfois justifiées.

En un mot, à l’heure où, pour réparer tant de ruines et suffire à ses œuvres les plus vitales, l’Eglise de France aurait besoin de ressources considérables, elle ne peut rien recevoir ni posséder légalement, et ses enfants ne peuvent lui faire parvenir leurs offrandes que par l’intermédiaire de personnes ou de sociétés fictives ou interposées.

Et c’est en face d’une telle situation que nous nous obstinerions à refuser le seul terrain où nous puissions acquérir et posséder légalement, le seul, nous l’avons prouvé, qui offre quelques garanties à notre hiérarchie ! C’est en face d’une telle situation que des catholiques auraient la présomption de critiquer le