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de sa dignité de traiter ou même de laisser les évêques traiter avec un pareil Gouvernement ?

Benoit XV, au contraire, a devant lui un Gouvernement qui lui fait des avances et témoigne d’un désir loyal et respectueux de rentrer en relations avec le Saint-Siège, de M. Millerand, le sauveur de la Pologne, le pacificateur de l’Alsace. Pour ce qui est des Cultuelles, quand Pie X eut à se prononcer, l’article 8 venait d’être voté après l’article IV, et beaucoup se demandaient quel usage ferait le Conseil d’État de la juridiction qui lui était attribuée en cas de conflit. A tort ou à raison, c’était la grande objection. Aujourd’hui, elle a disparu. L’on peut même dire qu’elle est devenue un argument en faveur de la loi, puisque c’est en vertu de cet article 8 que nous avons fait prévaloir, dans la haute Assemblée, chaque fois que nous nous sommes adressés à elle, les droits contestés de notre hiérarchie, et conquis en sa faveur, cette jurisprudence contre laquelle il semble aujourd’hui bien difficile de réagir.

Benoit XV a d’ailleurs, pour confirmer cette jurisprudence, les engagements et les déclarations officielles qui manquaient à son prédécesseur. L’on peut dire que ce qui se présentait comme une objection à Pie X est pour Benoit XV un argument pour l’acceptation ou tout au moins la tolérance des Cultuelles.

Il ne se mettrait pas plus en contradiction avec Pie X en les acceptant, qu’il ne se met en contradiction avec Léon XIII en se départant en quelque chose des conditions rigoureuses imposées par celui-ci à la visite des Souverains catholiques à Rome, nécessaires au lendemain d’un odieux attentat, mais qui, en se prolongeant indéfiniment, n’auraient pas été sans inconvénient grave, même pour le Saint-Siège.

Pie X, en des circonstances semblables, n’aurait-il pas incliné lui-même vers la tolérance ? C’est, nous l’avons vu, l’avis unanime des cardinaux de la commission des Affaires extraordinaires.

L’on ne sait pas assez, après quelles longues hésitations et avec quelles angoisses, sous l’inspiration de sa conscience, Pie X se décida à se prononcer contre la majorité des évêques et des cardinaux dont il avait sollicité l’avis. Il savait bien d’ailleurs que l’Église de France ne pouvait rester indéfiniment hors la loi ; il ne lui vint jamais à la pensée que cette situation anormale pût se prolonger indéfiniment et il pressentait les ruines que son successeur peut contempler. Aussi, lorsque plus