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semble que l’on sente la présence, la foule compacte et les chaudes haleines, dans la tiédeur et l’étouffement des galeries souterraines.


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Cela, ce n’est qu’un aspect, — le plus secret, le plus mystérieux, — de la ville antique. Hadrumète, ville maritime, est païenne. Vénus, reine des ports, fut sa patronne.

Entrez au Musée de la Casba, ou au Musée municipal : Vénus est partout. Elle encombre les vitrines de ses statuettes. Son image triomphe sur les piédestaux ou dans l’encadrement somptueux des mosaïques. Tantôt, elle est réduite à sa forme rudimentaire, au triangle symbolique de Tanit où sont à peine marqués les attributs sexuels. Plus fréquemment, c’est la Déesse lascive et toute-puissante, célébrée par le romancier de l’Ane d’or, la Vénus impudique, dans toute la liberté de ses gestes et de ses attitudes, — Vénus au Coquillage, Vénus des Carrefours, Vénus Génitrix, qui, d’une main, presse sa belle gorge et, de l’autre, désigne ses flancs féconds et voluptueux.

Au Musée municipal surtout, ses effigies sont nombreuses. On a eu la malencontreuse idée de donner à cet édifice mesquin et beaucoup trop exigu l’extérieur d’une maison mauresque. Avec ce style interlope, cette abondance de simulacres aphrodisiens, et, çà et là, dans les coins, les quelques symboles luxurieux qu’il renferme, ce logis écarté finit par prendre une apparence de mauvais lieu. Mieux installé, conçu dans un style mieux approprié à son contenu, ce pourrait être quelque chose de charmant. On a là sous la main tous les éléments d’un petit musée vraiment exquis et original : il ne faudrait que les mettre en valeur.

Une foule d’objets hétéroclites y sont entassés de telle sorte qu’ils se nuisent les uns aux autres : statues, bas-reliefs, terres cuites, poteries, médailles, mosaïques… Les mosaïques principalement sont le charme et la richesse du musée de Sousse. On peut y contempler un étonnant Triomphe de Bacchus. Le dieu est représenté dans une longue robe traînante, sur un char auquel sont attelés des tigres et que conduisent des satyres et des aegipans. Ces figures centrales se détachent, avec une intensité et une opulence de couleur extrêmes, parmi des branches de vignes arborescentes, qui, lourdes de leurs grappes et de leurs pampres,