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que celui auquel président les muses méditerranéennes. Il semble qu’il se souvienne de la Prière que fit Renan sur l’Acropole et aussi de l’émulation que donne à la muse antique et à la muse chrétienne le Chateaubriand des Martyrs :

Je suis né dans Valence, aux mémoires romaines,
Qui voit les monts bleuir dans ses horizons clairs…

Dans Valence, il était un enfant qui jouait parmi les fleurs d’un beau jardin provençal, et qui du regard suivait les abeilles, « et ses rêves étaient, comme l’abeille, errants. » Puis, tandis que le divertissait d’imaginer l’avenir l’amusement du soleil et de la frivole réalité qu’il éclaire, une voix secrète lui murmura « les mots de Sacrifice et de futurs Autels. » Ce fut un appel et qu’il n’entendit que distraitement, l’appel de sa vocation qu’il ne devinait pas.

Il eut ses vingt ans et vint à Paris. C’était le temps où, dans la littérature, le réalisme allait à péricliter. Les jeunes poètes suivaient Moréas et Verlaine et inventaient le symbolisme. Plus exactement, ils n’inventaient pas le symbolisme, qui est la poésie et l’art même : ils retournaient à la meilleure notion de la poésie et de l’art. Ils ne le faisaient pas sans commettre aucune erreur ; et l’on a beau jeu à leur reprocher leurs fautes, qui sont manifestes et, quelques-unes, très choquantes. Mais on aurait tort de les condamner, car ils ont réagi contre les pires tendances d’une littérature abjecte et ouvert de magnifiques horizons. N’oublions pas de noter que plusieurs d’entre eux furent aussi de grands poètes. M. Louis Le Cardonnel les a connus, s’est mêlé à leur troupe. En lisant ses premiers poèmes, on y aperçoit l’influence de Moréas, de Laforgue, de Verhaeren. Les strophes A un Ménestrel :

Par les clairs chemins fleuris de mensonge…

rappellent un peu certaines chansons du Pèlerin passionné, puis tournent à ressembler à du Verlaine :

Mais, en attendant, ris, sans trop d’espoir,
Et cueille la rose éprise de voir
Un qui va, frivole,
Et chante les chants de gai savoir.

Les poèmes intitulés « Ville morte » et « le Piano n ne sont pas sans quelque analogie avec les Complaintes de Laforgue. Et le Tailleur de tombes tant par le sujet, l’image et l’allégorie que par la