Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Il était temps qu’une occasion s’offrit à la France de serrer affectueusement les mains à l’Italie et de mettre fin, par un geste de franchise et de cordialité, à une de ces querelles familiales dont les causes sont souvent imperceptibles et les conséquences toujours déplorables. MM. Millerand et Giolitti se sont donné rendez-vous sur les bords du lac du Bourget ; et, près de cette abbaye de Haute-Combe qui abrite les tombeaux de la maison de Savoie, les deux nations ont reconnu, une fois de plus, qu’elles étaient sœurs et ont répudié des discussions sacrilèges. Depuis quelques semaines, les vrais amis de l’Italie ne pouvaient plus lire certains journaux de la péninsule sans un douloureux serrement de cœur et ils se demandaient avec anxiété d’où venait ce vent de colère qui soufflait au-delà des monts. Ils avaient beau s’interroger ; ils ne trouvaient rien qui justifiât tant d’attaques contre la France. Certes l’Italie a été financièrement et économiquement très éprouvée par la guerre et elle est agitée aujourd’hui par des troubles sociaux, que nous voulons croire momentanés et qui alarment chez elle beaucoup d’intérêts. Mais de ces divers mécomptes la France n’est pas responsable. Elle est même prête à faire tout ce qui peut dépendre d’elle pour les atténuer. Elle n’est pas, du reste, elle non plus, à l’abri des difficultés et elle s’en aperçoit bien tous les jours. Cherchons à nous entr’aider dans nosembarras, au lieu de nous attarder à de vaines récriminations. Chacun des deux peuples y gagnera.

Les conversations d’Aix ont préparé les voies au rétablissement de la confiance et de l’amitié. Pour achever cette œuvre nécessaire, faisons loyalement, de chaque côté des Alpes, notre examen de conscience et demandons au passé des leçons pour l’avenir. Sans doute n’est-il pas impossible de remonter à l’origine des diverses questions qu’ont étudiées ensemble MM. Millerand et Giolitti et de les résumer d’une manière assez objective et assez impartiale pour [1]

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1920.