Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/673

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’obstination de M. Millerand, le malaise a diminué, mais il subsiste, et, demain autant qu’hier, nous aurons besoin de patience, de tact et d’esprit de suite.


Il est très regrettable qu’en ces heures d’incertitude, la santé de M. Paul Deschanel l’ait obligé à quitter la première magistrature du pays. Il avait été, à la Chambre des députés, un président incomparable. Sans l’effroyable fatalité qui s’est abattue sur lui, au moment même où il venait, aux acclamations unanimes du Congrès, de réaliser une généreuse et très légitime ambition, il eût été, pendant sept ans, à la Présidence de la République, la parure et la gloire de la France. Sa culture, riche et variée, sa connaissance approfondie de l’histoire européenne, son talent d’orateur et de lettré, lui permettaient, non seulement de représenter le pays avec éclat, mais de donner aux ministres, dans toutes les grandes questions qui restent à régler, des conseils précieux. Il était l’élu de tous les partis et il pouvait, mieux que personne, se tenir en dehors et au-dessus d’eux, au niveau des intérêts permanents de la nation. Il a craint que la maladie ne le laissât quelque temps inférieur à sa tâche et il a obéi, en se retirant, au scrupule le plus honorable. Comme l’ont dit MM. Léon Bourgeois et Raoul Péret, tous les Français souhaitent qu’il puisse, dans le repos, se rétablir complètement pour reprendre un jour dans les assemblées parlementaires la place magnifique qu’il y a occupée.

L’élection de son successeur ne pouvait faire aucun doute. Elle est sortie des événements avec une force irrésistible. Depuis plusieurs mois, M. Millerand est aux prises avec les plus graves difficultés. Qu’il n’ait pas pu les résoudre toutes comme nous l’eussions souhaité et comme lui-même certainement l’aurait voulu, c’est un fait dont la France n’a pas songé à le rendre responsable, parce qu’elle l’a toujours vu attaché à une politique passionnément nationale et parce que, sans même connaître les obstacles qu’il avait à surmonter, elle les a devinés et mesurés. Elle lui a été reconnaissante du courage dont il a constamment fait preuve, aussi bien dans la politique intérieure que dans la conduite des affaires étrangères. Son énergie a contribué à sauver la Pologne et à rendre effectif notre mandat en Syrie. Ni les révolutionnaires du dedans, ni ceux du dehors, n’ont troublé son bel et solide équilibre. Le caractère et la volonté sont chez lui à la hauteur de l’intelligence. Loin de fuir les responsabilités, il se plait à les rechercher. Lorsqu’il accepte une charge, modeste ou