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les corrupteurs de l’esprit public. Ils ajoutent : « Les seules lois, qui doivent être invoquées contre les prêtres sujets à la déportation ou à la réclusion, sont celles de 1792 et de 1793, et notamment celle des 29 et 30 vendémiaire de l’an II de la République. » Puis, après avoir rappelé ces édits de mort, ils poursuivent en ces termes : « Le législateur a rejeté tous les ménagements pusillanimes qui pouvaient laisser quelque espérance aux déportés ; l’indulgence ne fait qu’entretenir la contagion du mal, et il a voulu l’extirper jusqu’à la racine. »


II

C’est, sous une forme à la fois violente et perfide, le retour à la persécution. Seulement, de cette persécution le pays ne veut plus.

La résistance se manifeste à Paris ; mais elle se révèle surtout dans les provinces. C’est là qu’on peut suivre comme à l’auscultation, en se penchant tout près du cœur, les battements de plus en plus réguliers, de plus en plus amples, de la France chrétienne.

Le Directoire entretient hors de Paris deux sortes de fonctionnaires administratifs : les commissaires nationaux au chef-lieu de chaque département, puis, à un degré inférieur et au siège de chaque canton, les commissaires dits commissaires cantonaux. Les uns et les autres sont les représentants officiels de l’autorité centrale, et, pour ainsi dire, les agents de liaison entre le pouvoir exécutif et les administrations élues. Or, voici que, pendant l’hiver de 1795 à 1796, les commissaires départementaux reçoivent, tantôt par paquets, tantôt par envois successifs, les circulaires ministérielles ou directoriales. Ils les lisent, les relisent, s’en imprègnent, et ils demeurent soucieux : certes ils n’aiment point les fanatiques, et quelques-uns même ont gardé le plus pur esprit jacobin. Mais comme ce langage détonne dans l’aspiration générale vers la paix ! Tout inquiets, ils délient de leurs liasses déjà un peu poudreuses les lois de la Terreur qui semblaient oubliées. En ces lois se répètent avec une monotonie sinistre les mêmes mots ; réclusion, transportation, déportation, mort surtout. De plus en plus troublés, ils vont aux administrateurs et, en un silence embarrassé, leur tendent les instructions, les décrets. Ceux-ci lisent à leur tour.