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tisserands. Ce sont en général les anciens fabriciens. Si les archives de la cure n’ont pas été détruites, ils en exhument le cahier des délibérations et, comme si rien ne s’était passé, reprennent séance. On possède encore quelques-uns de ces registres. L’objet principal est la reprise de l’église, puis le culte à pourvoir, les enfants à catéchiser. Il faut aussi, dans le conseil de fabrique, combler les vides ; car beaucoup manquent ou, comme dit le procès-verbal d’une des paroisses de l’Anjou, « ont disparu dans les malheurs de la Révolution. »

On réclame l’église. L’obtient-on toujours ? Il semble que les sanctuaires les plus importants sont réservés au culte constitutionnel. Même quand on réussit, la tristesse est grande par le délabrement des lieux saints et par les impiétés dont ils portent la trace. Le plus souvent la toiture laisse passer la pluie ; les vitraux sont brisés, les autels saccagés, les tentures déchirées, les confessionnaux mutilés, les statues décapitées, les croix abattues. Parfois l’autorité militaire a pris possession de la nef ou des bas-côtés : telle église sert de magasin à fourrage, telle autre d’entrepôt pour les vins, une troisième est encombrée de sacs de farine, une quatrième de harnais, une cinquième de viandes salées. Doit-on s’attrister ou se réjouir ? Peut-être cet emploi tout profane, en figurant un aspect d’utilité publique, a-t-il préservé le temple de l’entière destruction.

Avec ardeur on déblaie, on approprie et, aussi bien que l’on peut, on dissimule les traces des récentes profanations. Maintenant il faut, pour le culte, des prêtres. On trouve des vieillards échappés par grâce aux maisons de réclusion ou bien de tout jeunes hommes nouvellement ordonnés et que la police ignore. Entre les deux, il y a les ecclésiastiques qui n’ont pas rempli de fonctions publiques et que le serment liberté-égalité a protégés contre la proscription. Quant aux prêtres déportables qui ne peuvent se prévaloir ni d’aucun serment, ni d’aucune promesse, ils se montrant ou se terrent, suivant les retours de la tolérance ou les montées de la persécution ; c’est qu’en dépit des votes des Conseils, leur sort demeure plein de périls, et sauf dans les régions où les autorités sont visiblement complices, ils ne célèbrent qu’en secret les mystères divins.

Ces communautés de fidèles sont pauvres autant que jadis elles furent riches. Un grand souci est de pourvoir à cette indigence. Dans les spoliations révolutionnaires, le pillage a été