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cultuelles. Il faut pourvoir aux besoins journaliers sans aucune dotation permanente, car la loi du 3 ventôse les interdit : de là l’idée du denier du culte. Il s’organise et se perçoit de manières très diverses. A Paris, on établit des cotisations : la mode s’en mêle, et si nous en croyons l’un des contemporains, « les libertins donnent comme les autres. » En certaines villes on sollicite à domicile les offrandes des fidèles : c’est ainsi qu’à Orléans, les rapports de police dénoncent des « femmes pompeusement parées » qui vont de maison en maison et quêtent pour les frais du culte catholique. Dans les campagnes, on peut noter parfois la restauration d’une dime toute volontaire : ainsi arrive-t-il en l’une des communes de l’Anjou, où les anciens fabriciens établissent une perception en blé pour l’entretien du culte. Ailleurs, une sorte de pacte intervient entre le curé et ses paroissiens : à Saint-Donatien, dans la Loire-Inférieure, les notables assurent au prêtre, pour prix de ses services, 1 200 livres, le logement, l’entretien du linge d’autel. En l’une des paroisses du Gard, les fidèles calculent par le menu les besoins de leur pasteur en salmées de blé, en cannes d’huile, en viande, en vin, en vêtements. Puis ils se cotisent pour l’acquittement de la somme qui est de 539 livres. Le budget est modeste. N’est-il pas encore trop lourd ? Si je suis bien informé, plusieurs, au bout de peu de temps, refusent d’y participer, les uns parce qu’ils redoutent « qu’on mette des garnisaires chez eux, » les autres « farce qu’ils craignent de manger leur bien. »


VII

Ce n’est pas sans quelque embarras que je poursuis ce tableau. Tout renaît en même temps par une inspiration spontanée ; mais ce mouvement, par cela seul qu’il est spontané, comporte toutes sortes de variétés. L’aspect diffère de région à région suivant le nombre des prêtres, le tempérament du peuple, et le courant plus ou moins intense de la vie religieuse qui renaît.

Qu’on regarde vers l’Est de la France. En Lorraine, en Alsace, dans les régions montagneuses de la Franche-Comté, du Dauphiné ou de la Savoie, beaucoup de prêtres. C’est que, sur les indices d’une politique plus humaine, beaucoup de déportés, fixés en Suisse ou au bord du lac de Constance, se sont