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plaine immense de l’Isthme, d’où monte jusqu’à vous un chant de flûte arabe. Regardez les clartés mourantes du couchant s’éteindre dans les deux lagunes et dans le double miroir des ports, tandis que les suprêmes rougeurs crépusculaires dessinent en noir les montagnes de l’Ariana. Derrière vous, par la porte entrebâillée de la Basilique, arrive une rumeur d’orgue, avec une psalmodie de paroles aussi vieilles que la plus vieille Carthage. Que voulez-vous de plus ? Le mirage a déjà pris corps. Du fond de cette plaine submergée d’histoire et de poésie, toutes les figures illustres du passé accourent et déferlent vers vous, avec les vapeurs-qui montent des lacs et le vent nocturne qui se lève…

Il faut donc, avant tout, donner à la Carthage antique ce que réclament, avant toute chose, les villes mortes, comme les morts, — le silence et la paix. Mais cela n’empêche point, pour les autres raisons que nous avons dites, qu’il faille ressusciter Carthage : avec le grand cardinal, répétons-le encore une fois : Instauranda Carthago !


Louis BERTRAND.